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Mer, terreur et fascination.

9 avril 2017

La vie rêvée des Présidents.

Nos candidats à la Présidentielle sont adorables.

 

Ils veulent tous notre bonheur. Rien pour eux, tout pour nous.

Ils savent exactement ce qu'il nous faut, nous qui ne savons rien.

Imaginez qu'il n'y ait pas d'élections, aucune, nada; nous n'aurions rien.

Comme nous voulons beaucoup, nous avons inventé le septennat de 5 ans

tout comme je mettais mes plus gros souliers devant la cheminée pour avoir

plus de cadeaux à Noël.

Que diriez-vous de la semaine des 4 jeudis et de la retraite au baccalauréat ?

Si nous sommes nombreux, nous y arriverons.

Imaginez une grande panique pour nos candidats :

que les prédécesseurs aient fait tout le travail, une France heureuse et apaisée !

Plus de réformes dans le tiroir ! Une catastrophe ou un                          

 

La retraite à 20 ans !

 

La retraite à 20 ans a décrété le gouvernement dans sa magnanimité.

Très régulièrement, la classe politique s’agite en prononçant

le curieux cri de guerre de « retraite », genre de patate chaude

qui ne doit jamais rester dans son camp.

La solution à ce cri angoissant m’a été soufflée par mon gamin,

du haut de ses 7 pommes et demie.

 

A la question fatale que je me suis cru obligé de lui infliger :

« Que feras-tu plus tard, mon fils » ? la réponse fusa :

« Papa, je sais, « retraité » !

Tout le monde veut y accéder mais beaucoup sont usés, vieillis, fatigués ;

D’autres ont chuté sur la marche juste avant le jour de gloire.

Certains se prennent une grande panique devant tout ce temps d’éternité.

Nos politiques nous susurrent sans vergogne la retraite à 61, 62, 63 ans…

Il faut refuser et proposer la retraite à 20 ans puisque c’est le plus bel âge de la vie.

La retraite à 20 ans et pendant 20 ans !

Demandez le maximum puisque c’est un minimum.

A 40 ans, nous serons toujours dans la force de l’âge pour tout rembourser,

avant l’août, foi d’animal, intérêt et principal.

Point de dette entre nous, celle-ci n’étant réservée qu’aux gouvernants.

En fait, du haut de ses 7 pommes et demie, mon fils exprima cette sagesse :

les retraités sont bien plus calmes que les grandes personnes environnantes.

Pourquoi donc s’agiter si longtemps alors que chacun n’aspire qu’à du calme.

La retraite à 20 ans est peut-être la solution.

Qui voudra bien être le messager de mon fils ?

 

 

La vie ne devrait être qu’une vaste récréation !

 

La récréation est la seule matière inventée par l’Education Nationale

qui soit acceptée par tous et qui fasse œuvre de salut public.

Supprimez les récréations et vous aurez un « Mai 68 » immédiat et permanent !

Cependant, reconnaissons que les récréations n’ont jamais été créées pour

les élèves, mais bien pour les professeurs qui ne pourraient sortir vivants

d’une seule journée de classe. Les élèves, eux, ont tout le talent nécessaire

pour se détendre, surtout au fond de la classe.

Sauvé par la cloche ! est le cri de gloire de tout potache, accompagné d’un

professeur devenu enfin humain. (Lui, il ne va pas en récréation mais en « pause » )

Avez-vous remarqué que les lycéens sont de plus en plus souvent dans la rue

dès q’une réforme pointe son nez ?

Ils craignent pour la longueur des récréations et deviennent étrangement

solidaires de leurs professeurs, qui, eux, ont peur de devoir travailler le dimanche.

Si tout le monde travaille le dimanche, quand est-ce que nous aurons le temps

de faire nos courses dans les magasins ouverts le dimanche ?

Dans l’épais brouillard dans lequel nous nous trouvons, la seule solution valable

serait de rajouter un huitième jour à la semaine, qui lui, serait chômé et nous donnerait

des récréations en plus.

Bien sûr, cela aura une incidence sur les saisons et sur la marche de l’Univers,

mais c’est une expérience à tenter puisque nos voulons tout réformer et tout le temps.

Il faudra juste demander au Père Noël ce qu’il en pense et au Petit Jésus qui aimait bien

se reposer le dimanche. Il faudra aussi accepter que les curés s’inscrivent au chômage.

Dans le tournis ambiant, la seule solution pour sauver nos récréations, c’est d’exiger

que les députés et sénateurs ne puissent voter des lois que le dimanche.

Nous le dimanche, nous préférons aller rendre visite au Sous-préfet dans les champs.

Il nous concoctera peut-être la semaine des 4 jeudis.

La vie ne devrait être qu’une vaste récréation !

 

 

Attention aux retours de bâton :

 

« Voyez ce sucre : il paraît solide. On le plonge dans l’eau.

   Voyez ce qu’il en reste. Voilà, c’est çà, Hollande. »

                                                            Nicolas Sarkozy.(2005).

 

 

 

Un sucre en morceau a vocation de devenir soluble.

Voilà sa mission, voilà sa victoire.

A même valeur, le sucre en poudre est tout aussi efficace.

Remarquons que le sucre en morceau a bien sucré l’eau, le but recherché.

Monsieur Sarkozy, nous vous conseillons de boire ce verre d’eau sucrée,

vous rencontrerez toutes les idées de Monsieur Hollande.

Entre nous, avec une tasse à café, cela revient au même : le goût est moins amer.

Vous qui, pourtant très bien élu par les voix de droite, nous avez proposé tant de

ministres socialistes sucrés, vous nous avez appris que vous aimez le sucre dissous

et même les chocolats.

Le sucre en morceau ne s’avale pas en entier. Auriez-vous essayé ?

La capacité du sucre de Monsieur Hollande à sucrer l’eau est bien là, il faut en convenir.

La campagne électorale sera donc sucrée pour les uns et salée pour d’autres.

 

 

* Le sucre est une matière blanche qui donne mauvais goût au café quand on oublie d’en mettre ».

 

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14 octobre 2006

Mer, terreur et Fascination.

Tout commence par la naissance, n'est-ce pas ?

Un jour, ce fut le tour de ce tout petit saumon qui se demandait bien ce qu'il lui arrivait;

Juste d'un œil, il aperçut d'étranges créatures qui lui semblaient être des monstres.

Ce n'est que bien plus tard qu'il apprit ce qu'était une famille.

Pourquoi étaient-ils si grands ?

Comme personne ne s'intéressait vraiment à lui vu ses nombreuses sœurs, il parcourut

ce lieu étrange qui l'abritait.

Il entendit, comme un écho, qu'il vivait dans un moulin à mi-marée.

Vous savez, ces moulins qui ont la politesse de mettre leurs pieds dans la mer

mais qui se lavent avec le ruisseau du dessus.

Tout pour être heureux !

Pensez donc : de l'eau de mer, de l'eau douce, admirablement mélangées (l'eau saumâtre du saumon)

et, ceci, juste au-dessus du garde manger que renfermait cette vase noire.

Souvent, il s'y cachait d'ailleurs, lorsque ses parents faisaient la grosse voix.

Un jour, une envie subite l'incita à franchir cette grande voûte qui laissait venir la mer deux fois par jour.

Une cathédrale aussi majestueuse que terrifiante.

Malin, il repéra l'heure des marées ainsi que la grande qui montait jusqu'au plafond.

Ah ! que c'était bon de se dégourdir les nageoires.

Il resta toute la journée dans ce vaste territoire à s'esbaudir de tant d'espace et d'apercevoir le soleil

qui tapait fort.

Il y apprit que d'autres saumons comme lui vivaient là et même des saumons qui n'étaient pas saumons.

Comment cela se faisait-il ?

L'histoire dit qu'il eut même une petite amourette avec une truite saumonée.

Quelle aventure pour une seule journée.

Le soir, ses parents approuvèrent son escapade au-delà du territoire naturel, mais lui interdirent

de se rendre plus loin que le grand barrage construit par les hommes.

Cet interdit l'excita furieusement : si c'est dangereux, ce doit être très amusant.

Evidemment, ce fut là sa préoccupation favorite, dès qu'il eut un instant.

Dame truite saumonée pouvait attendre, il y avait mieux à faire pour découvrir le grand frisson.

Il ne lui fallut pas plus de trois jours pour tout comprendre de la machine infernale qui voulait

le rendre prisonnier à vie dans un "étang d'eau de mer' !

Il nomma la grosse porte "clapet" et le courant "moteur".

Quand le moteur s'actionnait, le clapet s'ouvrait mais se refermait ensuite quand il sentait l'eau

lui frotter les nageoires dans l'autre sens.

Tout était donc dans la marée et celle-ci, il la connaissait bien dans son antre, derrière la cathédrale.

C'est demain qu'il tenterait l'aventure.

Première consigne : ne pas paraître excité car les parents veillent !

Deuxième consigne : bien manger et bien dormir.

Pour le reste, on avisera.

A l'heure dite, il se précipita, nageant de toutes ses forces, encore et encore !

Rien n'y fit, cette impression de reculer tant et tant mirent ses forces à l'épreuve.

Honteux, il songea à ses parents et se mit à penser à leurs conseils.

Pourtant, tout lui paraissait facile.

Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que les choses simples de la vie

méritaient audace et risque.

Le sel de la vie lui venait le narguait aussi bien en eau douce qu'en eau de mer. (bi carburant).

Une solution choisie et risquée mais il était prêt, surtout que la difficulté l'émoustillait.

Il passerait donc le clapet quand "le moteur" fonctionnerait dans l'autre sens.

Peu de temps mais jouable.

Aujourd'hui le grand frisson. Brrr !

Ne pas se faire coincer la queue par le clapet !

Ne pas se faire coincer la queue par le clapet !

Ne pas, Ne pas…

La solution, c'est de respirer un bon coup, ne plus y penser et "y aller" !

J'y va, j'y va, çà y est, j'y suis !  Ah ! quel grand bonheur !

Ne plus y penser, voilà la solution, sinon l'appréhension et la panique ne sont pas loin.

Dire que c'est la mer, oui, on peut le dire puisque j'y suis et que je le dis.

Dire que c'est la terreur, c'est faux puisque j'ai réussi.

Dire que c'est la fascination est le mot juste puisque je suis fasciné par mon audace.

Pensez qu'en un instant si court qui m'a fait penser à l'éternité, j'ai été transporté avec mes nageoires

bien collées à mon corps.

Ma queue était bien là resplendissante de santé. Ah ! les vastes horizons.

Ai-je bien dit que ce n'était pas la terreur qui m'envahissait ?

Erreur ! Menteur, Chanteur, Voleur, Pasteur, Danseur, Pisteur, Coiffeur, Chaleur, Horreur, Fureur et Beurre ! Le clapet a deux sens ! Le premier et le deuxième.

Il s'appelle bien "cla" et "pet" et ce n'est pas pour rien.

J'étais revenu musarder par là, aidé par une horloge interne qui me rappelait à mes crêpes/pain beurre

et je me suis heurté à une porte close. J'ai même failli lui foncer dedans tellement je l'avais oubliée.

Le moteur semblait cassé et nul tourbillon ne venait troubler ces eaux devenues si calmes.

J'avais bien pensé à tout sauf au retour.

Je ne savais vraiment pas comment remettre en route ce moteur si puissant et pas un seul plombier

à l'horizon. Que faire ? que faire ? Me taire ? Peut-être bien pour la première fois, j'accepterais.

Cette mer, si vaste, semblait se dérober sous mes nageoires et m'attirait inexorablement vers des endroits

inconnus et étranges.

Visiblement, quelqu'un, par une fausse manœuvre, a actionné la vidange.

Jamais je n'avais subi cela dans mon étang ni dans mon moulin. Tout juste deux mètres de différence.

Je compris que je ne pourrais lutter seul et entrepris de me trouver un refuge pour la nuit.

Rien de bien satisfaisant et à mesure que la mer me filait par les nageoires, je réalisais que mes cachettes

se trouvaient dans la vase noire tout comme celle de mon moulin à mi-marée.

Je ne la pensais pas aussi habitée.

J'ai fait connaissance de Monsieur Bigorneau et de Dame Crevette qui semblaient bien étonnés de me voir là.

Ils me dirent que ma place se trouvait avec ma famille et qu'à cette heure-ci elle devait nager en rade de Brest

ou même dans le goulet.

La parade n'existe que dans le pieux mensonge délicieux qui donne le frisson de la belle ouvrage accomplie.

Je magnifiais mon émoi d'avec "truite saumonée" et ils se mirent à m'admirer de bonheur.

Je saluais le talent avec lequel ils mentaient, simplement pour ne pas avoir à me sermonner.

Eux, se trouvaient bien au chaud chez eux et un peu de compagnie leur faisaient du bien.

Plus je parlais, plus je gesticulais, plus ils s'exclafaient.

Toute la nuit se passa ainsi à tel point que je ne vis qu'au petit matin la foule de crevettes et de bigorneaux

qui se trouvaient réunis pour m'écouter.

Le plus âgé des bigorneaux m'avoua qu'ils n'avaient jamais tant ri dans leur vasière coutumière.

Ils décidèrent de fabriquer une tanière pour que je puisse me reposer un peu.

Tous attendaient avec impatience la fête.

Je ne m'étais pas rendu compte du bonheur que je leur avais procuré et cela me ravit tout en m'inquiétant

à la fois. Il fallait bien que je rejoigne mon refuge familial et cela allait me donner du souci avec le clapet

et le moteur qui devaient fonctionner ensemble.

Bah ! demain serait un autre jour et de toutes façons, il me faudrait des forces.

Dormons donc avec Dames Crevettes qui sont si gentilles mais si bavardes.

Mon petit déjeuner fut servi à

16h30

précises par les jeunes demoiselles crevettes et tous les bigorneaux

en culottes courtes. Ballet majestueux de plats exquis.

A leur tour, ils parlaient, parlaient et gesticulaient. Ils semblaient mus par des ressorts sans fin.

Pendant mon sommeil, ils avaient préparé ce festin avec toute la délicatesse des grands jours de fête.

Une des crevettes m'avoua sa satisfaction de travailler pour moi, car elle gardait encore en souvenir

la soirée passée à rire, et parce qu'aussi le lundi de Pentecôte, il fallait s'occuper des crevettes

plus âgées, d'une manière ou d'une autre.

Elle me confia qu'elle était doublement heureuse.

Au comble du bonheur, j'oubliais ma truite saumonée.

Je serais bien resté là une éternité si une voix grave et musclée n'avait déchiré le voile du bonheur.

Le grand chef bigorneau, revêtu de ses "vêtements du dimanche", s'apprêtait à me faire déguerpir.

"Nous t'aimons bien tous, me dit-il, et tu seras toujours le bienvenu chez nous.

Mais voilà, notre grand chef mécanicien a trouvé la fenêtre du pas de tir qui va te permettre de retrouver

les tiens sans encombre.

Il a tout calculé et tu n'auras pas à mettre ton bouclier thermique. Tu rentreras exactement comme

tu es sorti. C'est simplement l'heure de la marée qui te manquait".

Tu trouveras dans cette coquille, une lettre d'excuse pour tes parents afin d'atténuer leur courroux.

Je le remerciais en balbutiant quelques paroles mais mon cœur était bouleversé de savoir que

je devais quitter si vite des amis devenus si chers.

Que vous dire quand j'aperçus l'assemblée réunie pour m'accompagner joyeusement ?

Ils étaient tous là, y compris les anciens qui s'étaient fabriqué des cannes avec des roseaux.

L'estuaire s'est mis à résonner de leurs chants mais aussi de leurs cris.

J'avais peur que mes parents ne les entendent et devinent ma présence

car j'avais envie de rentrer discrètement et de me cacher dans ma petite vasière

et que, mine de rien, j'apparaisse en faisant croire que je m'étais perdu dans mes draps.

Le grand moment est arrivé !

Les embrassades n'en finissaient plus et me faisaient perdre un peu de courage.

Ready, Steady, Go ! comme disent nos voisins Anglais.

4, 3, 2, 1 !

C'est le grand moment, je vous dis !

Respirer un bon coup, ne plus y penser et foncer.

Cà y est ! j'y suis !

Maintenant, je sais ce que veut dire : "comme une lettre à

la Poste

".

Qu'il est bon de recevoir des conseils et de les suivre.

Que mon étang me parait calme et petit. Tout m'y est familier et tranquille.

J'ai retrouvé ma petit famille qui m'a dit : "tiens, te voilà" !

Ils comprirent que l'heure de la grande aventure pour moi avait sonné.

Loin de me freiner, ils m'encourageraient par leurs conseils.

Quel frisson et quelle joie de se sentir différent, tout en étant toujours "soi-même".

Les projets les plus fous me venaient à l'esprit et j'étais encouragé par tous car ils savaient bien

que le moment venu, le nécessaire choix serait à l'horizon.

Armé du nécessaire, débarrassé du reste superflu, je pus échafauder mes plans

que je vais vous livrer, mais uniquement quand vous serez prêts, vous-mêmes.

"Pour moi, la vie va commencer" !

Je compris en chantant ce refrain qu'il était intéressant d'écouter nos artistes.

Les artistes "voient" mieux que d'autres, ils perçoivent et transmettent

tout en ayant une vision future. Ils sont "dans" la société et dans un autre royaume en étant parmi nous.

Voilà pourquoi nous les appelons les artistes.

Ils nous inspirent, dans le drôle comme dans le triste, dans le beau comme le dérangeant..

"Le poète a toujours raison".

Il y a ce que nous ne voyons pas, ce que nous ne voulons pas voir, ce que nous ne voyons que

chez les autres et jamais chez nous, ce que nous ne pouvons pas voir.

Cela fait beaucoup.

C'est pourquoi, il convient de beaucoup déléguer aux artistes sans toutefois oublier que nous sommes,

nous-mêmes des artistes.

Quand je dis : "je chante faux", c'est bien le mot "chanter" qu'il faut retenir.

Si cela me plaît de chanter faux, il faut absolument me laisser chanter puisque c'est mon plaisir.

Avec ce plaisir, je serais heureux, çà c'est sûr, et peut-être me prendra-t-il l'envie de chanter juste, un jour ?

Si je suis heureux, je serais mieux avec les autres, et je crois que cela vous intéresse.

Si je danse mal, il faut me laisser danser car tout comme dans le chant, je suis un tendre qui "ose"

montrer ses imperfections.

Un jour, vous verrez, je trouverais la personne qui me guidera tout en douceur, car sachez-le,

tout saumon que je suis, je suis un "dur" "dur tendre"..

D'ailleurs, regardez ceux qui se rongent les ongles, les enfants comme les adultes : ils ne montrent

qu'une chose : leur tendresse et leur vulnérabilité. Ils sont donc très proches de vous.

A vous, de les accepter ou non.

Si c'était "Oui", ce serait fabuleux !

Si vous croyez que le jeune saumon que je suis est parti dans une de ses digressions habituelles,

détrompez-vous. Il veut juste vous dire que s'il se prépare à affronter la vie, car il s'est préparé.

Bien préparé avec lui-même et aussi avec les autres.

Le saumon est fougueux, certes, mais réfléchi.

Vous ne pourrez lui retirer "l'audace" car celle-ci lui est chevillée au corps.

Oh ! il ne sera pas toujours "Tonton Cristobal" mais il sera "lui".

J'aime bien dire que nous sommes des êtres "délicats".

Il y a beaucoup de délicatesse dans ce mot.

Cette séquence est "maturation" dans mon bel étang avant le grand départ.

Le jour arriva !

Le corps bourré de provisions, un salut à la famille et une fête tonitruante avec mes amis

lcrevettes et bigorneaux, j'étais déjà dans le sillage d'un bateau qui naviguait vers le large.

Une aventure qui faillit tourner court car à force de "tourner" et "tourner" autour de "la chose"

qui tournait si vite, j'ai failli me retrouver "saumon tranché"

Belle et tranquille, la mer ? Faut voir.

Avec des jumelles, sûrement.

J"ai salué "Béniguet", "Molène" et "Ouessant", les trois îles que j'avais

bien notées sur la carte préparée par mon père.

Au retour, ces îles deviendront mes meilleures amies.

Ici, c'est autre chose !

C'est vraiment la "vraie" vie. Comment ai-je pu rester si longtemps dans mon étang si minuscule ?

La houle me berce et j'avance à grands pas, sans aucun effort.

Est-ce que demain je serai en "Amérique" ?

Je m'amusai à rester le plus longtemps possible sur la crête des vagues sans respirer en admirant

la lune qui éclairait si fort alors qu'il faisait nuit.

Pourquoi luit-elle ? Cela semble du gaspillage puisque je ne vois personne à l'horizon.

Bah ! profitons-en puisqu'elle a l'air d'être contente de travailler tant.

Les sauts dans tous les sens et les "sprints" effrénés m'avaient bien épuisé mais je savais qu'il s'agissait

d'une saine fatigue et que je ne tarderais pas à m'endormir les ouies fermées.

Cette solitude m'enveloppait dans un bonheur parfait.

Je n'étais plus que moi-même et cela me faisait du bien.

Tout en rêvassant dans mon nuage liquide, une pensée sourde vint frapper à la porte de mon cerveau :

où vais-je dormir cette nuit ?

Où sera ma vasière ?

Je plongeai au plus profond et je ne vis que la mer, que la mer ! Quelle profondeur !

Je n'ai plus l'âge du pyjama ni du petit roseau entre mes ouies, mais tout de même !

Je suis parti pour une si grande aventure sans même prévoir le sommeil !

Mon père ne m'en a jamais rien dit et cela m'intrigue. Il y a peut-être quelque chose que je dois trouver seul.

Dans ce moment d'urgence, la solution est en train de venir à moi.

Un bateau sans "la chose" qui tourne si vite, est en train de s'approcher timidement.

Il est vraiment pataud et se demande s'il doit naviguer ou couler.

Que lui est-il donc arrivé ?

Je croyais qu'à cet endroit, tous les bateaux étaient sur des "rails".

Ce n'est tout de même pas pour rien qu'ils l'ont construit ce "rail d'Ouessant" !

Ici, on dit même "merroutage" tandis que d'autres disent "ferroutage".

Si ce bateau a déraillé, il doit y en avoir d'autres. Soyons prudents.

Pour le moment, j'ai inspecté la cale et cela me semble correct pour une nuit d'infortune.

Il transportait des couches culottes et je me suis glissé dans un emballage. Exquis ! 

Pour cette première véritable escapade, je me suis programmé une vraie grass mat' qui a duré, en fait,

jusqu'au soir. C'est que, la mer et les courants n'ont rien à voir avec l'eau d'un étang.

Et puis, il fallait réfléchir où dormir pour les nuits prochaines.

Pour le moment, mon frêle esquif était habité. Une famille complète de goélands occupait le pont

et jacassait sans arrêt. Impossible de comprendre un traître mot car ils parlaient tous ensemble.

Il se peut même qu'ils ne parlent que le "goéland". J'essaie de leur parler "en saumon" mais rien n'y fit.

J'en ai repéré un plus particulièrement car il me paraît être la copie conforme de Jonathan, vous savez,

le célèbre goéland qui bat tous les records de vitesse. Un vrai champion !

Ou mon accent saumon n'est pas correct ou ce n'est pas lui. Je l'aurai juré, pourtant.

Décidément, je n'avais pas prévu mon couchage ni les différentes langues de toutes les races.

Cà, c'est une authentique aventure.

Je me dis que les langues étrangères servent à ne pas parler le saumon.

Pour trouver les solutions, piquons un bon somme puisque la nuit porte conseil.

Quand je vous disais que "Morphée" était une bonne fée !

Au petit matin, une famille entière de morses me traduisit tout le bavardage des goélands.

Ils me dirent qu'ils avaient le don de se faire comprendre dans toutes les langues du monde

et qu'ils en profitaient pour parcourir toutes les mers, car il y en a plusieurs.

Cà, je l'ignorais.

Tous leurs frais de leur voyage étaient payés par les traductions qu'ils faisaient.

C'est ainsi qu'ils me dirent qu'ils connaissaient plein d'amis à travers le monde entier

et qu'avant chaque départ, les poissons et les oiseaux venaient les voir, ainsi que les cigognes.

Ils se sentaient très protégés car même les baleines faisaient appel à leur service.

Les cigognes les amusaient bien car elles débarquent toujours par six.

Je me disais que j'avais bien de la chance d'avoir des amis qui me faisaient progresser si vite.

Mais est-ce que leur cerveau n'éclaterait pas en y stockant tant de choses dedans ?

Mes amis morses se mirent à rire et me confièrent leur secret :

"Mieux vaut une tête bien faite qu'une tête bien pleine".

Ils avaient décidé, une fois pour toutes, de mettre au point une langue universelle

afin de libérer, justement, leur cerveau.

C'est ainsi qu'on les appela "Morses" pour les différencier des Phoques.

Bien emmitouflé dans mes couches culottes et entouré de tant d'amis, la vie devenait douce et délicieuse.

J'avais bien eu raison de tenter ma chance.

J'étais prêt et je ne vivrais donc que des aventures formidables.

C'était écrit dans toutes les étoiles qui semblaient ne regarder que moi.

J'étais quelqu'un d'important.

Mais voilat'ypasque…lors de mon footing matinal, je remarquais une ribambelle de poissons tourner en rond

sans arrêt. Une véritable danse de St Guy. On n'était pourtant pas à l'An neuf !

Seraient-ce des poissons Indiens sur le sentier de la guerre ?

Décidemment, tous les papyrus tombés dans l'étang et que j'avais lus en cachette me servent

énormément. Maintenant, je comprends mieux.

Mais nous ne sommes pas en guerre, tout de même !

L'un deux me dit rapidement, car il était pressé de tourner, que c'était un "rond point" mis là par

les hommes et qui servait à désigner le chemin de l'Angleterre.

"Rond point à l'Anglaise", paraît-il, mais que les hommes appellent "phare".

Mais, depuis combien de temps tournez-vous, demandai-je ?

-On ne sait plus, mais le chef affirme qu'il y a une sortie !

Et que ferez-vous une fois sortis ?

-On ira sur un autre rond point et ainsi de suite jusqu'à l'Angleterre, mais là bas, on tournera dans l'autre sens !

Nous avons notre rendez-vous annuel sur l'île de Wight. Nous aimons nous y retrouver pour

écouter de la musique. Presque toutes les sirènes seront là.

Mais pourquoi passer par ces "ronds points" ?

- Ne m'en parlez pas ! C'est depuis qu'ils ont privatisé l'autoroute naturelle que nous utilisions.

Ils nous font tourner en bourrique, nous les pauvres, pour nous obliger à prendre l'autoroute payante !

Nous sommes maintenant "obligés" d'emprunter tous ces "ronds points" sinon il a un radar qui surveille

et il y a un chef qui arrive. Il aime nous voir en faute pour nous soutirer de l'argent pour "les tas" ou "l'état".

Si on se fait prendre, on paie et pour ne pas emprunter l'autoroute. Ils adorent çà, paraît-t-il.

Tu vois ce poisson, là devant ? Quand elle est arrivée, c'était une jeune promise; maintenant,

on l'appelle "la vieille". Pareil pour celui-là : tu as vu la longueur de sa barbe ? On l'appelle le barbu.

A ta place, je ne rentrerai pas dans ce cycle infernal.

Regarde combien elle est délicieuse, ton île flottante !

Tu as tout pour vite arriver et nous préparer un endroit où nous pourrons enfin nous reposer.

Je ne peux pas venir avec toi car ils m'ont mis une bague :" Grand Poisson Suivi".

Mon île flottante me parut bien délicieuse.

Quel havre de paix comparé à l'horreur vécue. Ce monde était-il si cruel ?

C'est une véritable terreur !

Je frissonnais de partout et hurlais ma colère car je ne pouvais rien pour eux.

Dire que c'est

la Mer

, oui !

Dire que c'est une Terreur, sûrement !

Dire que c'est une Fascination ? Pour le moment, c'est pour les autres qui sont près de la terre.

Je regagnais ma couche culotte sur mon île flottante et me mis a songer à un monde que nous

pourrions fabriquer nous-mêmes.

Je m'en voulais, car ces expériences, je les avais bien lues dans ces feuilles de papyrus mais

je n'avais pas voulu y croire. Que des menteries, disai-je.

Pensez que j'ai réussi à lire un nom sur leur "rond point" appelé "phare". Il est écrit : "Jument".

Qu'est-ce qu'une jument vient faire en pleine mer ? On n'est vraiment plus chez nous !

Je compris aussi que j'avais complètement dérivé et que j'étais retourné à mon point de départ.

Que serai-je devenu sans mon île flottante ?

Etait-il normal que je m'en serve autant ?

Mon exploit sera-t-il "exploit" si je ne le risque pas par moi-même ?

Que raconterai-je à mes parents ? La vérité vraie ou la vérité "habillée" ?

Vite ! dormons ! Morphée est une bonne fée et saura me guider.

Mon bilan reste mitigé et je songeais sérieusement à mon retour.

Mon étang était si calme et mon environnement si paisible !

Comment aurai-je pu imaginer que ce monde fût si cruel ?

J'avais demandé à mon père : dis, Papa, c'est loin l'Amérique ?

Il m'avait répondu : Oui ! mais n'avait pas précisé que c'était difficile.

Peut-être qu'il avait raison, car, peut-être, ne serais-je jamais parti.

Avec toutes mes difficultés, j'ai au moins l'avantage de vivre par moi-même.

Vite ! dormons !

Ce réveil fut le premier qui soit pénible. J'étais courbaturé de mes pensées noires.

Je me mis à nager dans tous les sens pour éliminer la rage et la hargne qui m'étouffaient.

Je nageais si vite que je ne vis plus ces maudits "ronds points à l'anglaise" ni ces radars infects.

Je recouvris vite ma légèreté et mon insouciance en sautant de vagues en vagues et en me faisant

dorer au soleil. Ah ! que c'était bon !

Mon île à moi était toujours là et, vraiment, je suis sûr qu'elle me suivait du regard.

Elle me laissait partir tout en me surveillant discrètement du coin de son hublot.

D'ailleurs, quand les rayons du soleil tapaient sur son museau, je voyais bien ses clins d'œil.

J'étais riche en amis. Pensez donc : ma petite truite saumonée, mes bigorneaux et mes crevettes,

les phoques polyglottes mais aussi le prisonnier qui tourne en rond.

C'est peut-être peu, me direz vous, mais peut-on en avoir plus que le contenant de deux nageoires ?

Aujourd'hui est un autre jour, décidai-je en me disant qu'il ne pourra être que formidable.

Et bien, c'est vrai !

Imaginez vous que j'ai vu, bien calé dans mes couches culottes, deux bateaux faire l'amour !

Ah ! que c'est beau !

Imaginez-vous que malgré tous mes efforts pour rejoindre l'Amérique, les courants que je n'avais

pas prévus me ramènent désespérément vers mon point de départ.

Actuellement, je vous parle du centre de la "Rade de Brest", la si belle et si généreuse.

Voici la beauté que je m'en vais vous conter.

Mettez vous bien confortable et écoutez :

J'ai vu le "Renard" faire l'amour à "

la Recouvrance

".

le "Renard" est un bateau anciennement neuf de St Malo,  redevenu neuf pour "Brest 92".

La "Recouvrance" est un bateau anciennement neuf de Brest,  redevenu neuf pour "Brest 92".

L'"Abeille Flandre" dite "Abeille" est un bateau neuf venu aider tout un chacun pour toute saison;

Ce « Renard » et cette « Recouvrance » étaient "mignons", comme on dit par chez nous,

beaux et tendres à la fois !

Blottis l'un contre l'autre dans le troisième bassin qu'ils avaient réservé pour l'occasion,

ils se regardaient tendrement tout en humant l'ambiance environnante.

Sûr que pour une telle rencontre leurs amis s'étaient déplacés en nombre

et s'esbaudaient de voir tant de bonheur.

Leurs mâts s'entrecroisaient et les vergues s'entremêlaient à loisir pour veiller à l'étreinte finale.

Oh ! sûr qu'il prirent leur temps car cet instant de plaisir, ils désiraient le faire durer une éternité.

Les bateaux amis se balançaient doucement afin de créer cette petite houle délicieuse

qui enveloppe le bonheur.

En un instant, le « Renard » se cabra majestueusement pour montrer ses fiers canons bien droits et luisants.

La fête pouvait commencer car les voiles se mirent à se déployer pour entourer d'un voile pudique cette étreinte farouche.

Les bateaux amis accélérèrent leur mouvement de houle et, dans le grincement des coques,

le secret était à l'oeuvre.

Ah ! quelle étreinte, mes amis !

De tous les plats-bords sortaient des étincelles, des bleues, des vertes, des rouges...

Un feu brûlant, un feu sacré couvait là-dessous !

Tous, mais vraiment tous leurs bateaux amis étaient là

et même la nuit et la lune s'étaient déplacées tout spécialement.

La lune n'en crut pas ses yeux car son amie la nuit était vaincue :

les étincelles qui provenaient de cette étreinte faisaient que la nuit était jour !

Ah ! quel bonheur dans le port de "Brest-même" ! 

« Renard » et « Recouvrance » entremêlés avaient rendez-vous avec le jour et la nuit, avec les étoiles filantes.

Le soleil et la lune avaient envie de faire de même et ils ne se génèrent pas puisque tous étaient à l'unisson.

Ce soir là fût une apothéose dans cette si magnifique rade de Brest.

Le tonnerre (de Brest) fit son apparition car il ne voulait pour un empire manquer cette fête

et il fit claquer ses oeuvres qui furent relayées par les sirènes des fiers vaisseaux.

Imaginez un seul instant la rade de Brest embrasée par une seule étreinte et ce,

pendant plus que tous les instants imaginables !

Ah ! sûr qu'on s'est aimés sur les bords de cette rade!

Certains ont même vu des "spermatos" s'égarer dans le ciel.

Voulaient-ils rencontrer le septième ciel ?

De ce bonheur partagé, que croyez-vous qu'il advint ?

Chers amis, à cet instant il faut me croire car seuls nos amis présents ont la vérité que je m'en vais vous livrer :

"de cette étreinte si prodigieuse est né un transfert  sur notre amie "l'Abeille" de chez "Flandre".

C'est elle qui s'est retrouvée enceinte !

Elle est venue, un soir nous présenter sa progéniture.

Vu son embonpoint, il s'agit forcément de la "Reine".

D'ailleurs, à Brest-même, elle est toujours

la Reine.

Vous l'auriez vu, se dandiner de gauche à droite, ses flancs généreux

exposés à tous, mugir de sa voix lugubre et mélodieuse !

Du grand art dans la "commedia dell' arte".

Elle avait raison d'être fière car elle nous présentait douze petits et fiers navires.

Discrète et pudique comme à son accoutumée, c'est par une petite nuit

avec lune qu'elle nous présenta sa progéniture née des étreintes étincelantes

du "Renard » et de la « Recouvrance ».

Notre "Abeille" était devenue une "mère porteuse",

porteuse de beaucoup "d'espérance " et donc de "re-couvrance".

C'est ainsi que le transfert s'est opéré.

Avec délicatesse, ils se sont présentés, ces petits "pioupiou", parfois dans l'ordre, parfois dans le désordre,

tout comme dans une famille unie, mais toujours dans la dignité qui sied à tout émerveillement de la naissance d'un être qui est immédiatement cher.

Oh ! ils ont pris leur temps car ils savaient qu'ils avaient "le monde entier de la mer" devant eux.

Majestueux, éblouissant et magique !

Nous avons assisté à l'amour des bateaux entre eux et à la naissance de douze d'entre eux.

Ce fut une séquence "émotion" qui va durer à Douarnenez si proche

car il faut après la "noce", le "retour de noce", forcément.

Cette fête grandiose, paraît-t-il, ne se reproduit que tous les 4 ans.

Qu'il va être dur d'attendre 4 ans !

Dire que c'est la mer, Oui, mais une grande rade !

Dire que c'est une terreur, un peu le feu d'artifice !

Dire que c'est une fascination, c'est Oui, car dorénavant, je serai "ici" tous les 4 ans, c'est promis !

Peut-être aurai-je le temps cette fois-ci d'aller vraiment en Amérique ?

Pour le moment, je batifole comme un petit fou et cela me fait du bien.

Ce n'est ni bavardage ni oisiveté : c'est juste de l'entraînement.

Admettez que je suis prêt puisque je n'en ai pas profité pour revoir mon étang !

Demain, c'est sûr, je partira puisque c'est un "mardi" !

Peut-être que je laisserai mon ami porte "couches culottes" dans le port

car il a bien besoin de soins.

Comment voulez-vous que j'aille me coucher par une nuit pareille ?

Pour être prêt demain, autant ne pas se coucher.

Il paraît que les militaires font la guerre même la nuit !

A eux, on ne leur dit rien.

Moi, je fais la paix. Alors c'est bien la même chose puisque les militaires

n'aspirent qu à la paix. On se demande même pourquoi ils font la guerre.

Vous voyez bien que je n'ai pas le temps de travailler, il faut que je m'amuse !

Quand donc vais-je partir pour de bon ?

Je viens de réaliser que si j'arrive en Amérique, il faudra aussi en revenir.

C'est donc deux voyages en un qu'il faut que je prépare.

Vraiment, cette mer me fascine, alors que je ne la connais même pas.

Avouez que rester scotché à un "rond point à l'anglaise", ce n'est pas fameux.

La solution, c'est peut-être de tourner une dizaine de fois autour du premier

et de se propulser jusqu'au second et ainsi de suite jusqu'en Angleterre.

Un bon coup de queue de derrière les reins m'aidera.

Le tout est de trouver la clé du pas de tir comme pour le clapet de mon étang.

Si ça a marché ¨pour mon clapet, pourquoi cela ne marcherait-il pas encore cette fois ci ?

Le chef mécanicien des bigorneaux a été formel et j'ai réussi du premier coup;

Tiens, si j'allais le voir ? Il m'a l'air de connaître tout de tout.

Et puis, il y a les Dames crevettes et tous les bigorneaux en culottes courtes.

Ils étaient sûrement à la fête mais tout fut si beau et magnifique que mes yeux et mes sens

n'en pouvaient plus.

Cà, c'est une idée ! Faire la fête après le fête, ce n'est que fête !

Rien de méchant donc.

Oui, mais ! Si je rentre dans l'estuaire magique, je serai tout prêt de mon étang et de ma famille !

Que dire à mes parents ? Que j'ai échoué dans ma tentative ?

Que je préfère batifoler avec mes amis ?

Oh, oh ! très dangereux, çà.

Je me rappelle soudain quelques petites maximes qui vont conforter mon esprit :

"Un synonyme est le mot que l'on utilise quand on ne connaît pas l'orthographe du premier mot".

Tout le monde a fait ça et ce n'est pas tricher.

"Passage à niveau" : petites barrières qui empêchent les trains d'aller sur les routes".

"Consonnes" : ce qui reste quand on a enlevé toutes les voyelles".

Oh ! je sais bien que tout n'est pas dans le bon sens mais tout le monde à compris !

Ce n'est pas plus grave que les Grandes Personnes qui nous assurent qu'elles ne connaissent

absolument rien aux "gros mots" et à "l'argot" mais qui les comprennent très bien.

Mystère.

En fait, ce sera bien plus facile que je ne le pense. Je ne dirai rien puisque je ne les verrai pas.

Sauf si, par extraordinaire, ils "sortaient" eux aussi mais ils ne le font jamais.

On avisera. Quand il y a une difficulté, j'aime bien l'affronter seul à seul.

Inutile d'insister sur la fête très "bigorneaux/crevettes" car vous seriez jaloux.

Juste dire qu'il y a du "savoir vivre" chez ces gens là.

Rendez-vous compte que ce sont eux qui m'ont donné le courage de repartir !

Gonflé à bloc, j'eus toutefois la faiblesse de les laisser m'accompagner jusqu'au Goulet de Brest.

Quelle marche triomphale ! En plus, ils avaient eu l'idée de réunir tous les saumons de la rade.

C'est ainsi que j'ai pu apprendre tant et tant sur les épreuves qui m'attendent.

Trois jeunes saumons bien musclés me racontèrent leurs exploits avec tant de fougue que je restais cois,

médusé par leur bravoure.

Oui, visiblement, la mer est une terreur ambulante. J'en frémissais.

Et pourtant, ils avaient l'air heureux, fascinés.

Comme ils me voyaient faiblir à nouveau, ils me firent une proposition :

celle de m'accompagner au-delà des "ronds points à l'anglaise" et de me laisser pour ma prochaine étape

au delà de l'Angleterre. Cap Lizard, paraît-il. Un repère de "Kersauzon" qu'eux, connaissaient bien.

Tiens, je ne l'ai jamais vu, celui là. Mes parents m'en parlaient souvent.

L'idée me vint que, s'il n'est pas loin, je me mettrai bien dans son sillage.

Avec un marin pareil, pas question d'un bateau "entre deux eaux", ni de couches culottes.

Le plus difficile c'est de savoir quand il part et quand il revient.  En plus, il est capable de faire

deux ou trois fois le tour du monde d'affilée sans que personne ne s'en aperçoive.

Mes trois saumons m'observaient et, sans que je m'en rende compte, lisaient dans mes pensées.

Ils me dirent tout trois : ne rêve pas à celui là, il ne part que quand il veut.

Autant en emporte le vent, il est libre, lui !

Depuis qu'il a connu Tabarly, il erre sur toutes les mers du monde.

Tu le crois ici, en fait, il est ailleurs.

Par moment, tu le verras faire une petite halte au "Poteau Noir".

C'est un endroit qu'il n'aime pas beaucoup, mais rien n'y fait, il s'y arrête toujours.

Personne ne le sait, hormis les marins véritables, c'est l'endroit rêvé pour se reposer

un peu, car les piles du cerveau se fatiguent plus vite que l'on pense.

Savez vous qu'il existe une foultitude de bateaux là bas qui se sont précipités sur ce poteau

alors que la mer est si vaste.

C'est comme le "buteur" de football qui s'acharne sur le goal alors que les buts sont si vastes.

C'est aussi l'endroit où va mourir mon cher bateau "couches culottes".

Pour lui, j'irai jusque là.

Mes trois saumons commençaient à s'impatienter.

Mieux vaut les écouter tout de suite si je veux éviter tous les écueils de cette immense mer.

Je veux y aller, Oui !

Peut-être que c'est tout de suite.

Je crois que Oui ! vu les frémissements de mes nouveaux amis.

Mer, Oui, puisque je baigne dedans depuis que je suis tout petit.

Terreur, Oui, depuis que j'ai entendu mes trois lascars.

Fascination, Oui, mais laissez moi le temps d'y aller.

Cette fois ci, c'est la der des ders.

Il ne faut pas la manquer.

A quatre, cela va être du "gâteau". Mais à voir.

Eh bien ! c'est vrai, c'est du gâteau.

Rendez-vous compte que dix "ronds points à l'anglaise" furent avalés aussi vite

que je vous le raconte. Un exploit qui laisse rêveur.

Dire que sur le premier, j'ai tant et tant peiné.

Quand l'expérience des uns se transmet aux autres, tout devient plus facile.

Je suis confiant, je vous assure.

L'Amérique n'est plus très loin.

Le jour arriva !

Du cap Lizard à New York, croyez-vous que ce fut du billard ?

Un peu Oui ! mais surtout "un peu non".

Mes trois saumons musclés m'ont évité nombre de collisions avec les "chauffards des mers"

qui ne respectent rien, ni la priorité à droite vu qu beaucoup viennent d'Angleterre, mais en plus,

ils se permettent d'empester la mer par une odeur que je n'avais jamais connu auparavant.

C'est ainsi que j'ai appris le mot "dégazage" qui est une véritable horreur chez eux

Nous avons vu aussi des bouts de bois qui ressemblaient bigrement à mon bateau "couches culottes"

Tout ceci me fit frémir.

Mes trois compères, me voyant déprimé, m'apprirent à nager en eaux profondes.

Ah ! quel bonheur ! Tout est calme par là; L'eau y est plus limpide que nulle part ailleurs. 

Imaginez-vous la profondeur ! Inimaginable !

C'est fou comme c'est habité ! Des copains tout longs, tout plats, sans compter les bricoleurs :

toujours en activité avec leur scie et leur marteau. Vont-ils nous construire une cathédrale

comme dans mon moulin ?

C'est bien dans cet endroit magique que nous apprîmes à vraiment nous connaître malgré la foule.

Pensez, quatre saumons fougueux habités par le grand océan céleste !.

Plus jamais d'école, disions nous et plus jamais de parents sur le dos.

La vie ne serait que de "grandes vacances". Merveilleux !

Ce moment dura plus longtemps que vous ne pouvez imaginer puisque vous n'y étiez pas.

En riant, nous nous rappelions que nous avions bien un objectif mais que nous n'avions

jamais dit : "quand".

Figurez-vous que je ne me souviens pas du tout si nous avons dormi, ni quand, ni où !

C'est ahurissant, çà ! D'après la distance engloutie, c'était obligé. Il est vrai qu'à ces profondeurs

on ne voit pas grand-chose. Ai-je vu la lune ou non ?

Mes nouveaux camarades me dirent qu'effectivement nous avions dormi déjà trois fois entre deux eaux.

C'étaient les moments où nous ne parlions pas.

Nous, ne pas parler ? comment est-ce possible ?

Vraiment, la mer vous fait avoir des comportements bien étranges.

C'est le début de la sagesse, me dit l'un.

Là, oui, je me tus, mais d'effroi. Magnifier le silence et combattre la parole !

Dès que je pourrai, je filerai à l'Anglaise, comme on me l'a appris, il y a quelques jours.

Finalement, j'en sais autant qu'eux, maintenant.

J'avais tout de même appris quelque chose : dormir entre deux eaux.

Cà m'amusait de me rendre compte que nous avions trouvé sans le chercher, cet endroit "entre deux eaux".

Il devait y avoir du monde au même endroit et au même moment !

Pensez au gigantesque dortoir où nous sommes tous réunis et "en silence".

Plus le droit de parler pour tous, et en plus, tous obéissent ! Ahurissant !

Alors, New York, c'est un jour, mais le jour ou nous serons décidé !

Si quelqu'un veut faire le même périple que nous, qu'il s'inscrive au plus vite car nous nous amusons

comme des petits fous et qu'il est important que tout un chacun en profite.

Venez, venez, nous sommes en pleine mer des Sargasses, et c'est follement amusant.

Toutes ces anguilles nous chatouillent et nous donnent plein d'envies.

Nous venons de découvrir une multitude de truites saumonées plus ravissantes les unes que les autres.

Mes trois compagnons avaient décidé de continuer la route jusqu'au bout, car l'aventure était la plus forte

et qu'en plus, ils s'amusaient à me voir parler tant.

Ils n'avaient plus l'impression de nager mais de participer à un aimable bavardage et, du coup,

ils ne ressentaient aucune fatigue particulière.

Je vous avais bien dit l'autre jour, que les hommes, avant d'imaginer leurs "ronds points à l'anglaise",

avaient décidé de construire un "poteau noir" en pleine mer.

Un travail d'Hercule, (vague cousin d'Obélix), mais sûrement pas une merveille !

Imaginez que tout est lisse, calme. Un vrai plat pays.

Plus un bruit.

Les goélands ont fui ce territoire désolant et personne à qui parler, car tous sont médusés.

La vie s'est arrêtée.

Des milliers de bateaux mugissent et se regardent honteusement.

Le temps s'est arrêté car Monsieur le vent est bien malade.

Presque tous les marins avaient emporté avec eux leur calvaire breton sur le pont et priaient, agenouillés.

Emouvant.

L'un d'eux murmurait près de nous et nos amis les morses se proposèrent de traduire cette complainte.

Il s'agissait, pour lui, non pas de venir au secours de Monsieur le vent car il était plutôt content de pouvoir

se reposer. C'était un jeune fou, genre chauffard des mers, qui implorait son "vit de mulet".

Des mulets, j'en ai connu beaucoup dans mon estuaire et j'étais impressionné.

Que leur était-il arrivé ?

En fait, il s'agit d'une pièce métallique qui permet à la baume de pivoter sur le mât,

que j'avais pris pour un calvaire.

Voici la traduction la plus fidèle de mes amis les Morses.

Pendant la lecture de cette prière, je m'en vais en faire une, pour Monsieur le vent, cette fois.

                                      Prière à mon "vit de mulet fatigué".

("vit de mulet" : pièce métallique qui permet à la baume de pivoter sur le mât;)

Ô mon cher "vit de mulet", je ne m'étais jamais rendu compte combien tu comptais pour moi.

Aujourd'hui toutes mes pensées vont vers toi alors que je t'avais bien négligé au profit de la

table à carte et de mes sandwiches.

Je le confesse et je te demande humblement pardon.

J'ai un peu trop caressé la coque, flatté les voiles et remercié mes sponsors !

Aujourd'hui je me souviens mieux de ton étreinte fantastique avec Dame la baume.

C'était au port et tous les amis étaient là pour communier à l'harmonie de la rencontre

de ton phallus vaillant et de

la Dame

fière et aimante à la fois.

Je vous savais heureux et je suis parti vaquer à mes occupations.

Aujourd'hui, je prends conscience de ma négligence envers vous et vous crie mon désarroi :

"un vit de mulet vous manque et tout est dépeuplé" !

Votre couple est le moteur de ce bateau conçu pour battre les records et connaître

l'ivresse de la victoire.

Cette victoire, je la veux mais je m'aperçois humblement que je ne peux rien sans vous.

Vous êtes mon âme, mon énergie, ma vie.

S'il te plait, gentil petit "vit de mulet", pourrais-tu faire un effort pour que nous puissions gagner,

s'il te plait, gentille petite baume  de mon cœur, pourrais-tu réconforter ton compagnon?

Moi, de mon côté, je vous propose un tour du monde pour voyage de noces avec la gloire

et les honneurs à l'arrivée,  du champagne coulant à flot sur votre corps.

Ah ! si nous pouvions rester bons copains, ce serait merveilleux !

S'il vous plaît, pouvez-vous essayer ?

Il serait navrant de penser que les voiles deviendraient de vulgaires chiffons, le gouvernail,

un simple bout de bois, l'électronique, un écran pour jouer aux cartes avec de sinistres inconnus

et notre coque conçue pour fendre les flots, une coque de noix.

Vraiment, ce serait navrant car, en plus de nous, il faut penser aux nombreux terriens qui ont

contribué à notre aventure.

Ne me fait pas dire, gentil petit "vit de mulet", que chez les humains ce n'est pas forcément

le cerveau qui commande le corps. Le "petit trou du cul" a ses capacités de nuisances auxquelles

le cerveau ne pourra rien.

Je ne voudrais pas devoir vous attacher au "poteau noir", planté au milieu de l'océan

pour punir les voiliers récalcitrants.

Nous valons mieux que çà !

Seuls, nous ne sommes rien mais si nous sommes nombreux et que nous nous aimons,

tout peut arriver.

Je peux te dire, gentil petit vit de mulet" que je t'aime très, très fort.

Je pense à toi à chaque instant et tu es dans tous mes rêves, mes pensées, mes prières.

Si vous êtes d'accord, je vous promets de faire des efforts :

ne plus pisser par-dessus bord car je crois que cela vous insupporte,

ne plus jurer contre le sort  et ses "putains" de vagues qui m'aspergent,

ne plus surfer à mort sur les vagues dures.

Qu'en dîtes-vous ?

En plus, je vous promets de proclamer à tous mes copains les voileux, de toujours

avoir une pensée affectueuse auprès de leur "vit de mulet", sans oublier

d'honorer "Dame la baume".

Ma prière m'a apaisé et je sens que vous m'avez écouté.

L'architecte me l'a bien dit : "Ici, tu as le meilleur puisque les sponsors me l'ont demandé".

Maintenant que j'ai fait ma prière, je vais manger un bonbon !

C'est émouvant, ne trouvez-vous pas ?

Je n'avais rien entendu d'aussi beau.

Ce qui m'a intrigué tout de même, c'est qu'il a terminé sa prière par cette phrase

que je connaissais par cœur : "maintenant que j'ai fait ma prière, je vais manger un bonbon".

Souvent, je terminais moi-même par : "ne quittez pas, "Petit Jésus", je vous passe ma sœur".

La mer inspire, c'est sûr et nul ne la parcoure sans s'élever dans l'esprit mais aussi dans le

corps car les vagues sont hautes, souvent.

Monsieur le vent n'était plus vraiment malade maintenant mais il lui manquait les forces.

Forces du bien, évidemment, puisque celles du mal avaient fait leur œuvre.

Pour lui montrer notre présence, nous ne parlions qu'en chuchotant.

Nous avions trouvé que cet endroit était la grande clinique de l'océan où chacun se devait

de passer pour recharger les batteries. Finalement, c'était peut-être une bonne idée.

Nos nageoires avaient été mises à rude épreuve.

Mes amis les saumons étaient pratiquement les seuls à s'habituer à ce calme fracassant.

Pour s'occuper, ils faisaient des jeux de mots et j'en pris un au vol :

"la courbe était plate" !

J'avais envie de m'amuser autant qu'eux et voici mes réflexions que vous garderez pour vous.

La courbe était plate.

Plate, totalement plate.

Que lui était donc arrivé à la courbe ?

Un brin de fatigue ou un élément extérieur ?

La courbe, je l'ai toujours pensée en hauteur,

juste celle qui fait le gros dos.

Certains la voient allant de gauche à droite.

A-t-on demandé à la courbe comment elle préfère aller ?

Une courbe doit aller son chemin, c'est son destin.

Mais une courbe plate, c'est bien triste, l'espace d'un moment.

A-t-on songé de mettre un peu de sel sur la queue de la courbe ?

Essayons et regardons si notre courbe est bien courbe comme avant.

Déjà, elle se réveille et va nous montrer ce qu'elle sait faire.

Bien sûr, elle fait le gros dos, je l'avais deviné.

Bien revigorée, la voilà qui part aussi de gauche à droite.

Qu'elle fière allure elle a.

Sûr que je vais nager mieux maintenant.

Ma courbe n'était pas en cause mais ma vigilance.

Qu'auraient pensé mes amis si je ne leur avais dit que j'avais vu une courbe plate ?

exactement comme mes amies les droites parallèles qui tournent toujours en même temps !

Ils veulent à tout prix que la courbe reste courbe.

C'est la nature de la courbe, disent-ils, mais moi, je sais que la nature a besoin

de vivre et respirer.

Ma nature à moi évolue et j'évolue avec la nature.

Que voulez-vous, c'est ma nature.

Nos plaisanteries si aimables ont eu l'heur de faire sourire Monsieur le vent qui se prit

une envie subite de marcher. Une quinte de toux le plia en deux et avant qu'il ne puisse

s'en rendre compte, la brise marine avait envahit notre territoire.

Une méchante sardine lui était restée dans la gorge

De partout les cris de joie fusaient et chacun faisait l'inspection de sa monture.

La grande parade pouvait commencer.

Finalement, cette pause nous a fait un bien fou et ce poteau noir devrait exister en d'autres

endroits. Va falloir qu'on en discute au Grand Conseil des saumons.

Nous aimons bien réfléchir à des idées nouvelles et avoir une longueur d'avance.

Ce qui a de bien, c'est que les "autres" n'y sont jamais venus et que l'on raconter ce qu'on veut

sur ce poteau noir. S'ils ne sont pas encore venus, c'est qu'ils ne viendront jamais.

Ne me croyez que si vous le voulez mais voilatypasque mes yeux ont vu de leurs yeux vus,

un mirage : "Couche culottes" était parmi nous.

Les retrouvailles furent joyeuses et même tendres.

Mes amis saumon furent émerveillés par toutes les places où dormir.

Ils commençaient à se chamailler quand "Couches culottes" ne pu s'empêcher de lâcher

un gémissement qui indiquait une douleur sourde.

Très pudique, il nous expliqua tout de même qu'il était très inquiet car il ressentait de plus en plus souvent ses rhumatismes. Pensez donc ! Il trempait en permanence jusqu'à plus soif

dans l'eau et de l'eau de mer, en plus.. Il se devait de flotter mais pas entre deux eaux.

Tiens, "entre deux eaux", cela m'a fait penser que toutes les nuits, nous aussi, nous devrions

y aller. C'est bien pour dormir mais il y a un peu trop de monde à mon goût.

La nuit dernière, un poisson tout long, qui ne s'était même pas présenté, ronflait si fort

que je lui ai donné un coup de coude et il m'a rendu une décharge électrique !

Mes saumons me regardèrent d'un oeil malicieux.

Ton ami est devenu "notre" ami, et en plus nous sommes médusés par son équipement

intérieur. Un vrai palace.

Voici notre idée :

Le marin qui nous a tant ému, agenouillé devant son "calvaire" est de nouveau tout joyeux

et il a entrepris le grand ménage de son bateau. Il chante à tue-tête. Ecoute-le.

Sa prière a été exaucée et "Madame la baume" a bien voulu re-aimer Monsieur "Vit de Mulet".

Il s'apprête à terminer son tour du monde pour la première fois.

Si tu es d'accord, nous allons lui demander de l'aide. Nous pensons même, qu'il sera heureux

de nous rendre service à tous.

Tu sais, ou tu vas l'apprendre, la solidarité en mer, c'est quelque chose.

Tout marcha comme sur des roulettes. "Couche culottes" déplia ses grandes jambes, fit le gros dos et se laissa percer, visser, chignoler, poncer puis peinturlurer.

Poisson scie, poisson marteau, poisson électrique (pour les soudures), s'étaient déplacés

dans le même panier à homard qui n'avait jamais attrapé de homards.

Ah ! la fière allure !  Notre sauveur n'avait pas ménagé sa peine.

Toutes les couleurs avaient été mélangées sur son museau.

On aurait dit un "Indien", mais bien sûr, de la tribu qui fume le calumet de la paix.

Mes amis avaient mis la main à la pâte car ils savaient qu'une place leur

serait réservée et que pour leur 4è tour du monde, un peu de confort s'avérait bienvenu.

De toutes façons, personne n'en saurait rien à l'arrivée

Comme nous avions pris du retard sur notre horaire avec ce poteau noir, nous décidâmes

de nous attacher à une grande corde et de remorquer "Couche culottes".

Il aimait follement sentir la mer glisser sur sa coque.

Nos adieux n'étaient que des "au revoir" car nous étions vraiment sûrs de nous retrouver.

Dans mes papyrus j'avais lu que le monde était vaste mais qu'il était petit aussi.

Aujourd'hui, je comprends mieux.

Mer, oui, car elle me paraissait plus immense encore.

Terreur, oh ! plus du tout, tout est merveilleux, vous savez.

Fascination, oui, car je n'arrête pas de m'émerveiller.

Un jour, il m'arriva.

Oui, c'est loin l'Amérique.

Oui, c'est très dangereux aussi.

Connaissez-vous les requins ?

Qui a bien pu inventer un animal pareil, alors que les saumons sont si gentils ?

Et ces dents ! aussi aimables que les grilles d'une prison.

Il faut bien se dire que le

110 mètres

haies, c'est une ballade aimable.

Le slalom est devenu ma ligne droite et la ligne droite, la ruse. Pas moyen d'échapper

à ces bulldozers ambulants.

Le seul moment où la partie fut égale, c'était pendant cette terrible tempête.

Bien calé sur la crête d'une vague, je jouais au yoyo comme un virtuose, donnant des coups

d'archet sur leur museau. Eux, se fatiguaient car ils n'avaient pas la sveltesse qui sied à tout saumon.

Je m'amusais à les voir si patauds faisant mine de faire peur, car ils étaient essoufflés.

Bien aguerri dans ma nouvelle vie d'adulte, je me méfiais qu'ils ne me sortassent

un requin de rechange.

Vous avez vu ? Mes cours particuliers avec mes amis les Morses donnent leur effet.

Il suffit que l'on soit dans la nature pour que l'on apprenne mieux.

Les colles entre 4 murs, ce n'est pas ma tasse de thé.

Les requins finalement, c'est pas bête car je viens de réaliser que nous avons parcouru

plus de 3 fois la distance prévue. Même "couche culottes" avait du mal à suivre.

Désormais, je les appellerais "Pères fouettard". Peut être qu'il en faut. Mais pas trop.

"Couche culotte" n'avait plus vraiment besoin d'être remorqué car depuis qu'il avait déplié

ses jambes lors de sa remise en forme, il gambadait comme un poulain.

Exactement comme un Président après une semaine à l'hôpital.

D'ici qu'il retrouve la jument que nous avions laissée près d'Ouessant, il n'y a pas loin.

C'était un vrai moment de bonheur dans lequel, la liberté, l'effort et la beauté de la nature

se trouvaient réunis.

Heureux, nous l'étions. Pourtant, nous sentions bien qu'il manquait un "petit quelque chose".

Avec tant d'espace pour nous, nous avions le temps de chercher mais rien ne venait.

Nous étions un peu honteux de n'être pas satisfaits de nous mêmes.

Que nous manquait-il donc ?

3 jours et 3 nuits se passèrent ainsi avec ce goût de bonheur inachevé.

Maintenant, je me souviens, c'était un "Mardi".

Mer calme, légère brise et soleil se mirant dans l'eau.

Juste de quoi se réchauffer gentiment avant une journée à ne rien faire. Délice !

Nous étions en train deviser à savoir si la mer était plate ou ronde quand nous fûmes

saisis par une quantité impressionnante de picotements.

Qu'est-ce qu'est-ce ce trouble nouveau ?

3 jeunes saumonettes tournaient et tournaient autour de nous, poussant de petits

gémissements de rire.

Leur danse était une ronde sans fin. Nous étions médusés. Etait-ce ce que nous attendions

dans notre étrange torpeur ?

Dans un même élan, nous nous mîmes à danser dans l'autre sens, bien sûr, car nous étions

troublés. De plus en plus rapide cette course devenait, car chacun redoublait d'ardeur.

Nous pouvions tourner ainsi une éternité, çà, c'est sûr mais nous eûmes peur de faire

un trou dans l'eau qui nous aurait plongé dans les abysses insondables..

Timidement nous nous approchâmes les uns des autres sans un mot, car, à notre stupéfaction,

nous étions devenus muets.

Qu'est-ce qu'est-ce ? Ne plus pouvoir parler, est-ce possible ?

"Couche culotte" s'amusait à voir notre désarroi, nous laissant nous débrouiller

seuls juste au moment où l'on aurait accepté toute l'aide de la mer.

Prenant mon courage à deux nageoires, je me décidais à dire "quelque chose" alors que rien

ne sortait de mon cerveau si puissant d'habitude.

Ready, Steady, Go ! comme disent nos voisins les Anglais,

4, 3, 2, 1 !

C'est le grand moment, je vous dis !

Respire un bon coup, n'y pense plus et fonce !

Cà y est j'y suis.

"Habitez-vous chez vos parents" ? fut la seule phrase audible que je pus sortir;

Oh ! misère de misère !

De frétillant à souhait, je voulus me transformer en plancton pour disparaître à tout jamais.

Pourtant, ma saumonette était toujours là et toujours frétillante.

Qu'est-ce qu'est-ce ? Aurai-je été moins nul que je ne le pensais ?

Une pensée soudaine m'envahit. Et si elle ne parlait pas le saumon de chez nous !

C'était ça ! C'était ça !

Erreur, Menteur, Chanteur, Voleur, Pasteur, Danseur, Pisteur, Coiffeur,, Horreur, Fureur et Beurre !

Même pas de chez nous !

Et tous les Morses sont partis pour l'île de Wight écouter les Sirènes !

Est-elle Européenne au moins ?

Suis-je Européen ou non ?

J'étais parti avec beaucoup d'ambitions mais peu de questions dans ma besace.

On dit que les voyages forment la jeunesse. Peut-être, mais ça angoisse aussi beaucoup.

Pourquoi mon père ne m'a-t-il rien dit de tout cela ?

J'ai ma petite idée là-dessus.

Puisqu'il ne peut être que beau, fort et intelligent puisqu'il est mon père, je crois maintenant

que c'est pour je vive mes expériences seul et que je puisse former mes propres opinions

et non la sienne.

Lui, je sais qu'il a été un enfant, puis un adolescent et que son époque était différente de la mienne.

          Alors, forcément, les repères sont dissemblables.

Moi, par exemple, j'ai déjà vu des parents saumon qui n'avaient jamais été des enfants.

Vous vous rendez compte !

Tout ça, c'est bien beau mais dois-je continuer une relation amoureuse avec une Européenne ?

Et si elle ne l'était pas.

Oui/Non, Oui/Non….

Je réfléchis.

Je crois qu'avec mes amis les saumons, nous allons organiser un référendum car cela engage

nos futures relations ?

Nos bébés saumon seront-ils toujours Bretons, Français ou bien Européens ?

C'est une grave question car c'est nous qui décidons pour eux.

Qu'aurait dit mon père ?

Je me souviens que dans les papyrus de mon étang, j'avais lu quelque chose

qui m'avait fait bien rire.

C'était intitulé : "Mon Papa".

A 6 ans : Papa sait tout.

a 10 ans : Papa sait beaucoup de choses.

A 15 ans : j'en sais autant que Papa.

A 18 ans : Décidemment, Papa ne sait pas grand-chose.

A 30 ans : Nous pourrions tout de même demander l'avis à Papa.

A 40 ans : Papa sait quand même quelque chose.

A 50 ans : Papa a raison.

A 60 ans : Ah ! si nous pouvions encore le demander à Papa.

Oui, mais voilà, j'ai tout juste 18 ans maintenant !

Mon père ne me sert plus à grand-chose.

Va falloir décider seul ! J'hésite.

Pour le moment, j'en suis là :

Oui/Non, Oui/Non…

Vas savoir où est la vérité là-dedans !

Y a t il un Oui de la raison et un Non de la déraison ?

Ce Oui/Non me résonne comme les grosses cloches qui vont revenir à Pâques.

J'ai le bourdon mais sans cloche cela ne me sert à rien.

Oui/Non. Oui/Non…

Vas savoir qui écouter, qui croire !

Ai-je le droit de dire Non ?

J'ai le bourdon avec toutes ces cloches qui vont revenir.

Oui/Non. Oui/Non…

Vas savoir qui me pose la question en me donnant l'ordre de dire Oui !

Ai-je le droit d'écouter ceux qui disent Non ?

Pourquoi me poser une question avec la réponse à l'intérieur ?

J'ai le bourdon de cette question qui résonne.

Oui/Non. Oui/Non…

Vas savoir pourquoi mon père a dit Non au Général de Gaulle en 1969 !

Est-ce parce qu'il avait lui-même dit non en 1940 ?

Est-ce qu'une cloche nous résonne dans la tête ?

Est-ce la poupée de Michel Polnareff qui fait toujours : Non, Non et Non ?

J'ai le bourdon bien monotone des sanglots des violons de l'automne.

Oui/Non. Oui/Non…

Vas savoir si l'Europe est une idée populaire ou des "politiques" !

Est-ce normal que nous préférions aller musarder lors de ces élections ?

Est-ce normal cette abstention soutenue ?

Est-ce normal qu'une minorité s'arroge le droit de tout régenter jusqu'à notre chocolat ?

Est-ce que je serai désigné comme "bien" ou "pas bien" ?

J'ai le bourdon des décisions de nos politiques qui ne nous écoutent pas.

Oui/Non. Oui/Non…

Vas savoir si le Non est un "gros mot" ?

Est-ce que le Oui n'est qu'un mot gentil ?

Un "gros mot" est ce que les "grandes personnes" ne connaissent pas du tout

mais qu'elles comprennent très bien !

Est-ce que je serai sage pour mon Président et mon Premier Ministre ?

Est-ce que je penserai aux autres Européens pour une fois ?

Est-ce que je serai révolté comme toujours ?

J'ai le bourdon et ma cloche va revenir pour sonner à toute volée.

Je crois que je vais dire "Oui" non pas pour l'Europe que je ne connais pas du tout

mais pour ma petite saumonette qui en vaut vraiment le coup.

Peut-être que nos enfants saurons la faire correctement, cette Europe, parce que ce que j'entends

par l'intermédiaire de mes amis les "Morses" n'est pas fameux.

Il paraît qu'il n'y a que des fonctionnaires là bas et même pas un saumon pour nous représenter !

Ils parlent de quotas de pêche. Nous on n'est pas du tout d'accord.

C'est plus aucune pêche que nous voulons, ou alors que les requins !

Déjà que nous avons beaucoup de mal à rester vivants dans cette vaste mer peuplée de requins,

il n'est pas question de se faire pécher un mardi.

La seule négociation envisageable serait de laisser la pêche le dimanche et le lundi de

la Pentecôte.

Car là, raffarien à craindre des Français, c'est déjà çà.

En fait, tous les quatre, nous n'avons pas voté du tout car chacun a trouvé sa chacune et devinez

ce que nous sommes en train de faire ?

Pour le Mardi, "Renaud" avait tout raison.

Pour le reste aussi.

Quand "Couche culotte" sera vraiment, vraiment bien remis, nous l'inviterons et il nous chantera

des romances sous la lune argentée.

Nous savons déjà qu'il a trouvé sa sirène.

Mer, oui, oui, elle est belle la vie.

Terreur, qui a inventé ce mot là ?

Fascination, toujours encore plus !

L'Europe, l'Europe, l'Europe, il ne faut surtout pas en parler à un cabri.

Nous, les saumons nous ne savons pas pourquoi.. Il y a un monde entre la mer et la terre

même si les deux se rejoignent dans les fabuleux estuaires.

Eh ! bien, pour faire ce que nous avions envie de faire, nous n'avions pas tellement besoin

de l'Europe.

L'amour n'a pas besoin de frontières, ni d'être à 25, et nos langues se sont croisées et recroisées.

Pour le moment c'est un "charabia", oui, et nous comptons sur le retour des morses pour nous

remettre tout cela à l'endroit.

Ce qui est fantastique avec l'amour, c'est que l'on voit l'amour partout chez les autres.

Tenez, mon ami qui tient une nurserie au Pays Breton, quand çà lui est arrivé, il écrivait des choses

partout, sur la vase, le sable et même jusque dans le ciel.

Sa toute tendre s'appelait Laurence et donc "Lolo".

Imaginez ce qu'il pouvait écrire :

L’eau.

L’eau de Lolo est l’eau qu’on aime.

L’eau de Lolo sera douce et pure quand vient Lolo.

Lolo et l’eau sont une histoire d’O comme on les aime.

Lolo aime l’eau et nous aimons Lolo.

Ah ! si vous voyez Lolo et son eau, ramassez chaque goutte d’eau !

Chaque goutte d’eau de Lolo est un magique breuvage.

Gouttez à la source de Lolo, c’est de la plus belle eau.

Chaque matin, Lolo aime mettre de son eau en son corsage.

Puisez à la source, l’eau de Lolo, car l’eau de Lolo est pure.

Puisez et n’hésitez pas car l’eau de Lolo, est pour vous.

Ce remède, vous est fait et vous rendra la vie moins dure.

Si vous croyez en Lolo et son eau, vous croirez facilement en vous.

Si le courant passe entre-vous et Lolo, et je n’en doute pas,

Vous verrez Lolo devenir bouilloire et elle chauffera son eau.

Le bonheur enivrant est bien pour vous, et pourquoi ne le serait-il pas ?

C’est du thé pour vous, vous dira-t-elle, qu’elle aura préparé avec son eau.

L’eau de Lolo, réchauffée avec amour

Sera votre lot le plus cher.

Elle sera le bonheur de vos jours.

Celui qui entre dans votre chair.

Emouvant, n'est-ce pas ?

Nous avions tellement besoin de frétiller tous les six que nous nous enroulâmes autour d'une

corde et remorquions "Couche culotte" à grande vitesse pour qu'il puisse créer des vagues

pour nos cousins les mulets, les dorades et les bars.

Nous avions du succès. Les cercles devenaient de plus en plus grands et presque

tous les poissons de la mer surfaient à qui mieux mieux.

J'ai bien dit "presque tous", je n'ai pas dit "tous". N'allez pas exagérer.

Impossible de terminer le dernier tour, car, voyez vous, la méchanceté humaine

était en train de fondre sur notre danse nuptiale et tous nos amis réunis.

Même plus avec des jumelles mais un écran relié à un satellite, ils nous avaient remarqués.

Ils étaient prêts à commettre l'irréparable sans même nous demander notre avis.

D'un bond, nous nous sommes précipités sur "Couche culottes" qui nous avait préparé

des "pochons doubles" pour nos nuits exquises; Nous y étions par 4 voire 6 car tous se devaient

d'être sauvés. Le bateau frétillait de partout et déjà il commençait à s'enfoncer sérieusement.

Il était presque au niveau où nous l'avions trouvé à ses débuts.

Serrés et tremblant de peur, nous attendions le moment fatal.

Si "Couche culotte" coulait, c'était la fin car les grands filets nous attendaient.

Attendre et ne rien dire, attendre et ne pas bouger …

S'il y a une cavalerie en mer, elle devrait se dépêcher !

Mama mia, elle est arrivée !

Monsieur le Vent et Madame

la Pluie

étaient furieux de nous voir ainsi menacés et se mirent

à gronder de toutes leurs forces. Notre refuge tenait bon comme par enchantement.

Ils avaient créé un "micro climat" juste autour de nous.

Les féroces pêcheurs étaient complètement désordonnés et leur filet tomba sur "Couche culotte"

qui entra dans une fureur noire. Il avait charge de nombreuses âmes et il n'était pas question

Il demanda au "vit de mulet" de réunir toutes ses forces afin que Monsieur le Mât et

Madame

la Baume

entrent en action.

Ils gesticulèrent tellement que le filet ne fut bientôt qu'un lambeau.

"Couches culottes" y mit du sien, et par un formidable coup de rein, tira si vite le bateau des pêcheurs

que celui-ci, ne pouvant plus gouverner, fut précipité dans l'abîme, là où nul poisson ne le revît.

Ah ! mes amis, quelle frayeur. Que dis-je, quelle terreur !

Etait-ce donc cela que voulait dire "terreur" ?

Je l'espère car je ne pourrais jamais imaginer quelque chose de plus effrayant.

Nos émotions ont été tellement fortes que Monsieur le Vent et Madame

la Pluie

sont repartis

très discrètement, aussi vite qu'ils étaient arrivés. Ils laissaient au soleil le soin de nous réchauffer un peu.

Séquence repos.

De "bien peureux" nous sommes passés à "bien fêtards" pour exorciser ces cannibales des mers.

Nous étions soudés comme si nous étions de la même famille.

Mulets, dorades, bars, saumons, n'avaient plus de races.

Nous étions juste différents mais tous les mêmes dans la tête. Nous pouvions maintenant nous faire

confiance et voyager de concert. Unis, nous serions bien plus forts et nous pourrions aller bien plus loin.

Le langage n'était pas tout à fait le même mais avec les mouvements des nageoires et de la queue,

nous y arrivons presque.

"Couche culotte" n'avait vraiment pas de place pour tout le monde   et nous décidâmes de faire un

tour de rôle car tous avaient décidé de nous accompagner jusqu'en Amérique.

Vraiment, pour ma première traversée, j'étais heureux.

Avez-vous compté le nombre d'amis que j'ai ?

Bien plus que dans mon étang.

J'eu une pensée émue pour mes amis bigorneaux qui ne peuvent voyager autant.

Quand aux crevettes, je n'en ai vu aucune.

Tout le monde me dit que je parle, que je parle mais "faut pas croire" ! Je nage aussi beaucoup.

Un beau matin ensoleillé, quelque chose ne tournait pas rond.

Des bouts de bois, des sacs plastique, flottaient autour de nous. La mer n'avait plus la même couleur.

Une odeur à nulle autre pareille empestait.

Mer, odeur et désolation.

Que se passait-il tout d'un coup ? Qu'avions-nous fait pour mériter cela ? Etions-nous fautifs ?

Mes trois amis, forts de leur expérience me firent venir et me parlèrent sans témoin :

Réfléchis, prends en de la peine

C'est ce qui te manque le moins.

Cette magnifique mer, sentant sa mort prochaine

Fait venir tous les poissons et leur parle sans témoin.

Gardez-vous de gaspiller l'héritage

Que nous a laissé la nature.

Un trésor est caché dedans.

C'est votre univers mais aussi celui des terriens.

Allez le leur dire vite car mon cœur est malade.

Voici ce que la mer nous dit à chaque fois que nous arrivons ici. Chaque fois c'est la même rengaine.

Nous faisons ce que nous pouvons pour prévenir ces humains qui s'appellent, paraît-il, "civilisation".

Si personne ne bouge il n'y aura plus jamais d'humains ni de poissons.

Une mer plate et huileuse que même Monsieur le Vent et Madame

la Pluie

n'auront plus plaisir à secouer.

Mais où sommes-nous donc ?

A l'entrée de la rade de New York.

Rien à voir avec celle de Brest.

Comment deux rades majestueuses peuvent-elles devenir si différentes ?

Nous avons préféré faire demi tour et oublier tout çà.

Nous avions atteint notre but et c'était cela l'important.

Beaucoup de choses nous dépassaient et nous avions notre vie à vivre.

Cap sur la rade de Brest.

Une grande dame avec une loupiote a bien essayé de nous faire entrer dans cette rade,

mais nous n'avions pas le cœur à l'ouvrage.

Elle s'est mise à crier "liberté", liberté" mais nous, nous savions où se trouvait notre liberté.

Combien de temps va-t-elle rester là, le bras tendu à se dire qu'elle a toujours raison

alors qu'elle a bien tort de ne pas voir sa fin prochaine, engloutie dans les eaux,

telle la ville d'Ys, l'orgueilleuse ?

D'ailleurs, tout était éclairé pendant la nuit, à tel point que nous étions perturbés à ne savoir

quand prendre notre "café, crêpes/pain beurre".

Nous longeâmes la côte pour trouver une crique abritée car il devenait prudent de reprendre

des forces pour notre retour.

Dans nos difficultés, nous avions été tout de même chanceux et il convenait de rester attentifs

cette fois ci, car la négligence pouvait nous jouer des tours.

Il paraît que dans cette ville, 2 tours sont tombées, faute de vigilance, justement.

Imaginez que toutes les autres tours tombent et c'est un "tsunami" assuré.

Nos cousins germains, "les saumons bridés" en ont très peur, car c'est une histoire

à se retrouver en haut d'une tour, juste là où il y a la piscine pleine de produits chimiques

et , en plus, que d'eau douce. Le choc est brutal.

Si tu ne trouves pas la sortie en 24 heures, c'est la déchéance assurée.

Tes nageoires sont trouées comme une poêle à châtaignes et tes écailles s'en vont

comme les tuiles d'une navette spatiale.

Très vite, tu deviens "saumon tout nu", justement prêt à te faire griller dans la poêle à châtaignes;

Aucune saumonette ne t'accepterait dans cette tenue.

J'ose vous le dire maintenant, même si c'est un secret, la terreur du saumon est de se trouver

sans écailles.

Grillé, fumé, tranché est le destin final.

Notre drame, c'est que nous sommes à la mode ! Tout le monde nous aime !

Nous aussi, nous aimons bien l'amour mais pas vraiment sous cette forme.

"Le grand conseil de la mer" se réunit tous les ans sous la pleine lune pour décréter,

selon la formule consacrée : "tout ce qui est mode se démode", qui sera à la mode pour

les 10 prochaine années.

Nous nous souvenons de nos petites sœurs les sardines qui payèrent un lourd tribut à la cause

"poissons". Elles durent, être très inventives, car à cette époque, les modes ne se démodaient

que très lentement. La parade fut sans appel : "devenir plus grosses que les boîtes dans lesquelles

elles étaient destinées". Imparable, car les hommes ne voulurent pas dépenser pour de nouvelles

machines. Nos cousines les morues, ne furent sauvées que par l'arrivée des réfrigérateurs.

Elles avaient oublié qu'elles se conservaient si bien dans le sel.

Voilàt'ypasque elles se sont fait avoir par un publicitaire qui les ont baptisé "cabillaud".

Un nouvel enfer. !

Notre solidarité marine a décidé que chaque espèce devrait se dévouer afin de protéger

les générations futures.

C'est ainsi que nous sommes devenus, en quelque sorte, des "kamikazes" à tour de rôle.

Dur, dur, d'être poisson !

Aujourd'hui, c'est le tour des esturgeons. Il faut dire que ce sont des poissons très snob

qui ne veulent être mangés que par " les gens du monde".

Nous, les saumons, les vrais, nous avons presque fini notre période.

Notre chef saumon a été très astucieux car il a mis au point un système de clonage

qui réussit très bien avec ces hommes qui s'occupent à les nourrir et à les bichonner;

Nous avons bonne conscience car ils sont bien traités, ce qui nous permet de sillonner les mers

avec plus de tranquillité..

Bien sûr, ils se feront manger plus vite que nous mais ils sont "clones", n'est-il pas ?

Voyez vous, ce voyage m'apprend vraiment beaucoup.

Que la beauté est presque partout : il suffit d'être d'accord de la voir.

Que l'on peut se faire des amis presque partout aussi.

Mais également qu'il faut être vigilant en permanence comme si cette beauté se méritait.

Les requins, le rail d'Ouessant, les ronds points à l'Anglaise, la pollution…tout celà existe.

Il faut le dire à tous et surtout aux plus jeunes.

Moi, çà y est, je suis devenu "saumon senior". Enfin, presque.

Ma plus grande angoisse est que nous sommes malgré tout des saumons kamikazes tout de même,

tant qu'il y aura des hommes sur cette terre. Manger ou être mangé, est-ce une vie ?

Un genre de parchemin s'est collé sur le flan de "Couche culottes" et notre ami le morse

s'est proposé à le lire à tous.

Il est revenu de très loin car il nous savait dans un endroit vraiment dangereux. Le langage des

morses porte jusqu'à des milliers de kilomètres. Lorsque tous les morses parlent ensemble

ça fait un chahut de communication. Ils disent que c'est la fête de l'internet.

Les terriens n'ont pas l'air d'aimer les kamikazes alors que nous, c'est permanent.

Jugez plutôt ce qui ce dit dans les parages :

« Il faut rétablir la peine de mort pour les Kamikazes » !

Si les Kamikazes ont peur de mourir avant leur action d’éclat, il n’y aura plus de Kamikazes.

Un Kamikaze mort vaut mieux que deux futurs Kamikazes.

Et il faut savoir qu’un Kamikaze ne sert qu’une fois.

Est-on vraiment Kamikaze avant l’action ?

Est-ce que les enfants du Kamikaze sont aussi des Kamikazes ?

Peut-être ne sont-ils que des « Kamis » et que le « Kaze » ne leur vient qu’après ?

Bref, les Kamikazes nous gâchent les vacances et c’est inconcevable.

Nous gardons un très mauvais souvenir d’une guerre du Golfe, début août 1990.

Maintenant, si 3 à 4 individus barbus ont autant de couverture médiatique qu’une armée entière,

on se demande à quoi servent nos armées.

Toutes ces informations confuses à

la Télévision

décalent le journal de

la Météo

, la seule chose

digne d’intérêt en cette période de vacances obligatoires zé syndicales.

Au fait, que font les syndicats ? Leur mission, tout de même, est de faire en sorte que nous ayons

des vacances reposantes et dépolluées de ces explosions fâcheuses.

(au fait, merci les syndicats de nous avoir obtenu 2 semaines de congés puis 3, puis 4, puis 5,

puis les 35 heures. Que nous concoctez-vous de nouveau ? Nous, vous savez, on n’aurait jamais

eu l’idée de tout çà. Quelle imagination tout de même !

Petite suggestion de notre part : et si vous vendiez vos idées de congés à rallonge à tous ces barbus

Islamistes ? Peut-être que cela ralentirait la pose des bombes ?

Le coup des 35 heures serait très bien car ils auraient moins de temps pour les poser.

Les Anglais ont toujours maintenu leur « Tea time » même en plein conflit mondial.

Un peu d’humanité, tout de même.

M’est avis que la « semaine des 4 jeudis » pourrait bien marcher aussi.

La peine de mort pour les Kamikazes, oui, mais « avant » ou « après » ?

Je crois que certains seraient tentés par les deux s’il y a un prix dégressif pour le spectacle.

L’embêtant avec la « Religion », c’est que dès qu’il y en a une, aussitôt, il y en a plein.

Laquelle choisir, me direz-vous ?

Souvent, on fait comme pour le crémier, on prend le plus près, surtout si sa fille est gentille.

Maintenant on peut trouver sa religion au supermarché.

Vous comprendrez que çà crée un peu de concurrence et qu’elles jouent des coudes pour exister.

L’ère moderne a ceci de magnifique que, si nous avons toujours vécu depuis des siècles et des siècles

avec des guerres de religion qui nous tenaient chaud, nous réalisons maintenant des guerres « humanitaires ».

Formidable, non ?

Quelques personnes comptent autant que des milliers de morts.

En fait, on dit aussi qu’elles comptent « pour du beurre ».

Toujours le syndrome du crémier.

Alors, vous pourrez bien comprendre que nous pouvons aussi très bien vivre avec nos inconvénients,

tout comme on vit bien avec ses rhumatismes.

Quelques Kamikazes par ci, quelques morts par là, n’ont jamais dérangé le monde.

Que diriez vous si on interdisait les week-ends et

la Toussaint

sous le prétexte que c’est à ce moment là

que nous aimons nous tuer allègrement sur les routes ?

Bien sûr, bien sûr, il existerait tout de même une autre solution :

Et si on ne faisait qu’une seule religion et qu’on dirait que c’est la vraie !

Voilatipas une idée qu’elle est bonne ?

Je sais, il y aura toujours des ronchons pour arguer que cela fait un peu « monopole ».

Mais a-t-on déjà essayé ?

Entre nous, certaines religions ne valent pas qu’on les échange contre deux barils.

de lessive, bien sûr, pas de poudre.

Si c’est de la poudre, il vaut mieux prendre celle d’escampette , la seule véritablement certifiée

pour une vie calme et reposante. Sinon, c’est le repos éternel.

Alors, voyez vous, notre monde est ainsi divisé que certains voudraient condamner à mort

les Kamikazes et d’autres, réunir toutes les religions en une seule.

Arrivera-t-on à réaliser tout çà en 35 heures ou en 100 jours comme notre Premier Ministre

qui a décidé de ne travailler que 100 jours ?

Finalement, ce n’est pas l’énergie qui nous manque mais le temps.

Pourquoi se limiter à 35 heures ou à 100 jours quand les Pharaons avaient 1000 siècles.

Et si, et si, on donnait 12 mois de congés aux journalistes pour qu’ils ne relatent que de bonnes nouvelles ?

Sûr qu’il seraient contents et nous aussi.

Maintenant, vous avez le choix entre :

« la peine de mort pour les Kamikazes »,

« les syndicats pour les Kamikazes »,

« toutes les religions en une seule »,

« les congés perpétuels pour les journalistes ».

Il existe une autre variante : limiter le nombre de vierges promises pour les Kamikazes au paradis.

Et si il y avait pénurie ?

Vous savez, vous, comment on peut faire pour qu’il y ait pénurie de vierges ?

Si vous avez une idée, téléphonez me.

Tout ceci m'a troublé car je pense que la violence engendre la violence.

La peine de mort pour les Kamikazes entraînera la vengeance des candidats kamikazes

qui ne pourront plus être kamikazes. On ne s'en sort plus.

Vite, un peu de repos car les neurones comment à chauffer.

Je vais de ce pas faire un plongeon dans la crique aux eaux encore claires avec tous mes amis

et les saumonettes.

Couches culottes se refait une beauté et a décidé de s'appeler "yacht" pendant ce temps

que nous appellerons "vacances". Ce mot nous paraît étrange.

Mer, oui, pas très belle, cette fois,

Terreur, oui, s'il y a des kamikazes volontaires,

Fascination, oui, par ma saumonette.

Finalement, ce n'est pas si mal les vacances. Vous devriez y goûter.

Nous sommes actuellement en immersion totale avec nos cousins saumons d'Amérique.

Les morses sont revenus en force et nous baragouinons gentiment : "my taylor is rich"

et toutes ces pensées philosophiques. Il paraît qu'ils ont tous une Anglaise cousine.

Puisque nous travaillons ardemment, nous avons décidé de prolonger nos vacances

jusqu'à, nous ne savons pas quand.

Nos saumonettes nous ravissent de plus en plus et nous pensons déjà à les préparer au voyage

du retour. Restera à poser la question : "vous permettez, Monsieur, que j'emprunte votre fille…?"

Mais, avons-nous vraiment envie de poser "la" question ?

La poudre d'escampette n'a pas été inventée pour rien, non ?

La langue saumonette n'a plus aucun secret pour nous et nous ne savons plus qui parle

français ou européen. C'était finalement bien plus facile que nous pensions mais il faut avouer

que nos langues se sont bien mélangées.

Les morses m'ont dit qu'un jour, ils seront peut-être au chômage car, bientôt, tous parleront

la même langue. Toutes les autres langues seront déclarées obsolètes et il sera interdit de les parler.

Le breton, par exemple, serait concerné.

Ceci m'inquiète grandement pour mon retour au pays. Si les humains sont tristes, ils risquent

de devenir méchants. La langue maternelle est aussi essentielle que la mer pour un saumon.

Imaginons que quelqu'un vide

la Méditerranée

pour s'approprier des nouveaux terrains !

C'est si facile en mettant un bouchon. Que deviendrions-nous ?

C'est ma prochaine destination dans un club.

Plus de mer, plus de langues nationales et régionales et c'est la désolation.

Imaginez qu'un jour on n'utilise plus les services de mes amis les Morses !

Autant bâiller aux étoiles.

C'est inouï ce qu'on peut apprendre en voyageant.

Toutes les différences sont réunies et cela me plaît. C'est bien ce que j'étais venu chercher.

Pourtant, il y a quelques unes de ces différences que j'aurai bien aimé éviter.

C'est le moment que je choisis pour penser aux miens qui me paraissent très loin.

Comment vivent t-ils ? Seront-ils jaloux de mes aventures ? Pensent-ils que je suis un égoïste ?

Que vont-ils dire en voyant ma saumonette ? Sont-ils inquiets ?

S'ils sont inquiets, cela me gênerait beaucoup car ils me gâcheraient le plaisir de mes découvertes.

J'aime bien : "pas de nouvelles, bonnes nouvelles".

Pas question que je demande à un morse d'aller en rade de Brest. Et puis quoi encore !

En fait, je suis plus calme que je ne le pense. Mes parents aussi ont fait de grands voyages

et il doivent sûrement me comprendre.

Avant de partir, mon père m'a confié une de ses pensées à laquelle, bien sûr, je n'avais prêté

aucune attention. Aujourd'hui, c'est très différent;

Ecoutez :

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :

Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine.

Papa sait encore des choses.

Bien sûr, je ne m'appelle pas "Ulysse" mais quand même, je pourrais dire la même chose bientôt.

En fait, moi, je m'appelle "saumon" comme un saumon qui avait exigé de ne pas être dérangé.

Quand je suis né, mon père qui avait pourtant dit de ne pas le déranger, était tellement

fou de joie que, lorsque qu'il a fallu me déclarer à la douane maritime, a bredouillé "saumon"

en pensant donner mon prénom. Depuis, c'est resté.

Cette pensée me rappelle la douceur de mon étang et mes amis les crevettes et les bigorneaux.

Prenons bien des forces pour le retour. C'est pour bientôt. 

L'amour, ça donne des forces et la forme est olympique. Nous avions même prévu de rentrer

pour les Jeux de Paris mais il paraît que c'est tombé à l'eau. Nous ne savons pas où, mais dans

l'eau tout de même. Nous allons chercher.

Dire que nous aurions pu faire un crochet par

la Manche

, puis

la Seine.

Nous

aurions été aux

premières loges. Mon nom aurait été écrit au firmament de

la Tour

Eiffel.

Ma spécialité, c'est la natation. Vous verriez mes démarrages foudroyants et mes virevoltes !

Du grand art, d'après tous mes compagnons. Même en Amérique, ils n'ont jamais vu une telle

perfection. Je suis heureux d'être si fort, si musclé et si doué pour tous les sports.

Si un jour, vous voyez un saumon sauter à

5 mètres

au dessus des flots, sachez que ce sera

toujours moi. Je suis parti jeune adolescent et je suis devenu un maître des mers.

Un grand destin m'attend, je le sais, j'en suis sûr.

Depuis que j'ai remorqué Couche culotte avec mes amis, la transformation de mon corps, ne cesse

d'opérer des mutations agréables à voir.

Ma saumonette aussi raffole de mon corps si harmonieux. Vous la verriez papillonner des yeux

tout en se trémoussant. C'est divin.

Elle est plus gracile, car les muscles ne comptent pas beaucoup chez les femelles.

Sa fierté, et elle a raison, c'est sa robe argentée et brillante de mille feux. Son dos est bleuté,

ses flancs sont ponctués de quelques points noirs et son petit ventre mignon est nacré.

Quelle subtile harmonie rehaussée d'un sourire charmeur.

Parfois vous rencontrerez un saumon fou dans vos parages. Fou à zigzaguer dans la mer si vaste.

Vous saurez, bien évidemment, que c'est moi, le saumon fou d'amour.

Elle m'électrise, ma saumonette, et il faut bien que je dépense toute cette énergie qu'elle me donne.

La nuit, je fais de grandes zébrures dans l'océan; habituellement, je fais des "Z" comme Zorro.

L'amour est un sentiment qui permet au cœur de battre et il bat fort.

Avez-vous remarqué comme je parle tant de choses qui appartiennent à

la Terre

, moi le Saumon ?

Hé bien, c'est parce que j'écoute beaucoup !

Certains affirment que je parle beaucoup et moi je prétends que j'écoute plus que je ne parle.

Ce que je sais, je le sais de mes parents d'abord, de mes rencontres ensuite.

La mer, c'est très habité, vous savez. Nous avons bien plus de terrain de jeux et d'aventures

que les terriens et nous n'avons pas de frontières sauf les barrages construits par quelques hommes

qui nous détestent.

Ces rencontres sont multiples et, grâce à mes amis les morses, nous échangeons toutes les informations de la planète. Celles qui nous amusent le plus sont celles qui proviennent des saumons

qui ont remonté toutes les rivières jusqu'à la source.

Ils connaissent tout des agriculteurs, des citadins qui ne se rendent pas compte que nous écoutons

aux portes. D'ailleurs, nous les surveillons de plus en plus avec nos enquêteurs car vous, les terriens,

vous commencez à déverser vraiment n'importe quoi dans les rivières.

Elles sont à tout le monde, tout de même ! et d'abord à nous !

Tous les journaux jetés par vous, et ramassés aussi par les goélands vont dans une grande bibliothèque chez nous, et nos savants les réunissent pour ensuite nous informer.

Donc, tout sert chez nous et nous pouvons vous surveiller beaucoup mieux.

Chez vous, une bibliothèque, c'est un cimetière pour les vieux livres.

Bon, j'avais dit que c'est le nouveau grand départ.

Que se passet-t-il ? Peur de cette nouvelle aventure ? Que nenni !

Peur de rentrer à la maison ? Non, non !

Peur que l'aventure, un jour finisse ? Hé, oui ! Il y a un peu de çà.

Cette fois-ci, c'est la bonne.

C'est parti.

Enfin, presque.

Ma condition physique éblouissante me fait penser que nous, les saumons atlantique,

nous sommes les "Rois" des poissons.

Ceci nous confère des privilèges immenses, ce qui est bien normal.

Je n'ai pas encore rencontré notre "Roi" à nous mais ce n'est pas si important

puisque je suis "Roi" moi-même.

Je ne connais pas encore l'étendue de mes privilèges mais une chose me tente particulièrement.

Je testerai bien mon droit de cuissage une fois ou deux, pour voir un peu.

Oh ! je demanderai à saumonette d'aller me faire une course pendant ce temps-là, rassurez-vous.

Vraiment, "Roi" des saumons, ça me plairait bien.

Qui n'essaye pas n'aura rien !

Les terriens ont parait-il tout essayé et rien ne marche.

Je suis sûr qu'ils n'ont pas essayé le "Roi".

Un des journaux retrouvés dit ceci :

"On a tout essayé" !

Même les référendums.

Tout essayé sur

la République

, l'Empire, puis

la République

, au nom de la démocratie.

Rien ne marche et au bout du compte nous sommes toujours mécontents entre Français,

puis entre Européens.

La bonne question est de savoir : "sommes-nous bien démocrates" ?

Depuis Mai 68, nous avons tout essayé : la droite, la gauche, le Oui, le Non,

et même les cohabitations.

La tentation avec les communistes et l'extrême droite est au menu.

Finalement, pour retrouver la stabilité que nous recherchons tous,

il convient de remettre sur son trône "notre bon Roi".

Un vrai bon Roi Français qui s'entendra avec tous les autres Rois Européens.

Loin des partis, des querelles intestines, des fausses promesses et des référendums,

il gouvernera vers le futur.

Nous savons tous que la démocratie est le pire des régimes.

Alors, réagissons !

Puissions-nous tous dire : bon sang ! Mais, c'est bien sûr !

C'est vraiment bien écrit.

Si les terriens sont passés par toutes ces étapes, c'est qu'ils sont en plein désarroi.

Pas étonnant qu'ils ne se rendent même pas compte qu'ils déversent tant de vilaines choses

dans les belles rivières. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez eux.

D'ici qu'ils nous fassent une petite révolution, histoire de s'occuper un peu !

Quand on est comme cela à ne pas savoir ce que l'on veut, c'est qu'on s'ennuie.

On ne sait même plus si on est content ou triste, si on a chaud ou froid, si on a faim ou pas.

Mon père a été très catégorique : à ton âge, il faut que tu voyages pour faire tes expériences toi-même.

Un voyage en Amérique te fera le plus grand bien. En nageant, bien sûr, pour rencontrer

des tas de poissons différents. Si tu affrontes des tempêtes, hé bien tu sauras comme cela, ce que c'est.

Il a bien raison, mon père.

Ce n'est que comme çà que j'ai pu imaginer qu'un jour je deviendrai "Roi".

Est-ce que les terriens imaginent, eux aussi, qu'ils pourraient avoir un "Roi" .Ont-ils essayé ?

Vraiment, ce serait une grande chose pour qu'ils se réconcilient vraiment entre eux.

Moi, voyez-vous, dès que je serai "Roi" des poissons, je tiendrai à rencontrer tous les autres Roi

de la terre pour que nous puissions "entre grandes personnes" discuter vraiment des questions

qui nous importent vraiment. Vous verrez, les résultats seront fulgurants.

Dès que j'aurai terminé mon voyage initiatique, je me mettrai à l'ouvrage.

Ce jour là sera un jour nouveau à nul autre pareil.

Cela me donne envie de repartir, cette fois ci pour de bon.

Mes amis sont fin prêts, les saumonettes ont rangé leurs bagages chez Couche culotte,

la nouvelle aventure du retour peut enfin commencer.

Là, vraiment nous sommes nombreux ! Combien ? nul ne saurait le dire.

L'Amérique, c'est habité, j'ai vu de la lumière et beaucoup de saumons attirés par cette

brillance. Quelle effervescence.

Dans notre crique, nous étions à l'abri de ce tumulte. Nos amis saumons Américains

nous ont dit qu'il étaient obligés, tous les 5 jours, de se reposer 2 jours afin de nettoyer

leurs ouies endommagées.

Ils étaient presque tous là et devinez ce qui se passa ? une fête, bien évidemment.

C'est le privilège du saumon adulte.

Nous faisions tellement de bruit avec nos queues et nos nageoires qu'une multitude

de jeunes gens et jeunes filles sont venues nous admirer.

Ce n'est que plus tard que nous sûmes que nous étions dans leur territoire secret

où les "grandes personnes" ne peuvent aller.

Une chose m'intrigua tout de même : les filles étaient toutes vêtues pareilles.

Je leur fis ce poème car j'étais chagriné de tant d'uniformité :

Chères Mesdames "zé" Mesdemoiselles,

Que vous est-il arrivé ?

De "toutes différentes" à l'envie, vous voilà "toutes normalisées".

Vous en êtes-vous rendu compte ?

Les manches de vos poignets ont rétréci, les chevilles, itou

et que dire de vos chemisiers ?

Doit-on vous dire que bien souvent on vous voit le nombril ?

Il vous faut de toute urgence mieux regarder les publicités

pour les lessives à

la Télévision.

Il y en a forcément une qui ne rétrécit pas vos "chers" vêtements.

Pouvez-vous nous dire si vous êtes toutes des "Cow-girls" prêtes

à parcourir

la Pampa

et garder nos troupeaux ?

Vos "blue-jean" sont l'incarnation de Mao Tsé Toung qui rêvait

du même uniforme pour tous.

D'ailleurs, ils doivent bien être fabriqués en Chine, n'est ce pas ?

Ou sont passés vos robes et vos jupes qui esbaudissaient nos sens ?

Chères Mesdames "zé" Mesdemoiselles, passez un été heureux

mais découvrez vite la collection d'automne.

Nous avons hâte.

Nous, pendant ce temps là, nous nous préparons à notre retour auprès de la mère patrie.

Nous serons beaucoup plus nombreux que prévu car une grande quantité de saumons Américains

sont ravis de nous accompagner et faire du tourisme.

Rendez-vous compte qu'ils étaient persuadés d'être les seuls au monde !

L'Europe, ils ne connaissent même pas ou alors très vaguement.

Quand je leur ai parlé de

la Rade

de Brest aux eaux si pures, ils sautèrent de joie en se disant

que le Paradis pouvait donc se trouver sur Terre; je veux dire sur Mer.

Couche culotte était fin prêt et nous avions confectionné un espace "nurserie"

pour les naissances pendant le  trajet.

Nous, nous étions bien assez gaillards pour nager tout le long du parcours.

Mer, Oui, si on veut bien quitter cette rade;

Terreur, Non, pas pour le moment.

Fascination, Oui car le trajet du retour est aussi long que celui de l'aller;

Saumonette s'est faite coquette car elle vite compris le rôle grandissant qui était le mien.

Je n'étais pas loin d'être "le Chef" et on ne tarderait pas à le savoir.

Bravoure, audace et détermination étaient mes qualités naturelles.

Alors, forcément, çà se remarque !

J'étais passé maître dans l'organisation, car tout ce petit monde ne parlait pas très correctement

le "saumon de chez nous".

Mes "relations avec mes amis les "Morses" me furent très utiles.

Nous décidâmes de partir par une nuit de pleine lune pour pouvoir admirer une dernière fois

ce continent qui nous a tant fasciné et de profiter des courants des grandes marées.

Sans nous en rendre compte vraiment, nous avons franchi le point de non-retour.

C'était important pour nos nouveaux amis de l'Amérique qui ne connaissent que leurs

eaux territoriales.

Nous nagions tous groupés et chacun prenait la relève afin que nul ne se fatigue.

C'était beau à voir, ce magnifique peloton, parfaitement ordonné.

De temps à autres je m'échappais pour admirer la belle ouvrage.

Quand chacun sait ce qu'il doit faire et quand le faire, nulle fatigue à l'horizon.

Bien sûr, il faut un chef ! Et c'était moi, vous l'avez deviné !

Si je veux devenir Roi des saumons, un jour, je dois m'entraîner en permanence.

Peut-être qu'en arrivant à l'entrée du goulet de Brest avec toute mon équipée,

cela m'arrivera.

Cela causera la fierté de mon père ainsi que des crevettes et des bigorneaux.

Notre grande surprise fut de constater que nous possédions une grande avance sur notre programme

car les courants et les vents nous poussaient comme par enchantement;

Au début, je crus que c'était la joie et l'impatience de rentrer chez nous, mais il a fallu se rendre

à l'évidence, nous étions "portés".

Les anciens saumons de l'Amérique nous dirent qu'ils avaient entendu parler d'un certain

"Gulf stream" mais qu'ils ne s'étaient jamais aventurés jusque là;

Nous étions toutefois perturbés par un fait étrange depuis que nous avions atteint ces nouveaux

rivages. Le soleil n'était pas du tout à la même heure que nous. Très dérangeant.

Saumonette me souffla timidement que c'était peut-être parce que l'Amérique a été découverte

beaucoup plus tard que l'Europe. Elle disait peut-être vrai.

Requins, baleines, chalutiers n'avaient plus de secret pour nous car nous étions bien assez

nombreux pour faire nos tours de veille.

Un aventurier des profondeurs nous est revenu tout joyeux car il avait trouvé un moyen

très astucieux pour ne plus faire des zigzags très fatigants pour nous.

Pensez qu'il a trouvé un très long câble que nous pensions abandonné.

Plus nous le suivions et plus il nous menait dans la bonne direction.

C'était fantastique, car très reposant. Nous étions maintenant à la queue leu leu guidés

par une étrange mélodie.

Un vieux briscard des profondeurs nous appris que toute la journée il écoutait les messages

de ce câble qui lui semblait bien plus compliqué que le Morse. Toutes ces conversations l'ont rendu

un peu sourd, car çà "papotait" sans arrêt.

Nous étions bien dans la direction du Finistère d'où partait ce câble.

La petite équipée était joyeuse et cette traversée s'annonçait sous les meilleurs auspices.

Bien sûr, nous avons fait quelques haltes auprès de "couche culotte" qui était très fier de sa nurserie.

Nous arriverons donc plus nombreux qu'à notre départ.

Soudain, nous entendîmes un grondement sourd qui se rapprochait de plus en plus vite de nous.

La mer se mit à s'agiter furieusement et nous étions de plus en plus inquiet;

Que se passait-il dans ces profondeurs, pourtant si calmes auparavant ?

Vous serez bien surpris si je vous dis que nous sommes en plein tremblement de terre sous mer !

Moi, j'aurais plutôt dit "tremblement de mer sous terre".

Nous fûmes projetés dans tous les sens sans pouvoir maîtriser notre direction.

Ce "sauve qui peut" était terrifiant car nous ne pouvions même pas nous entraider.

"Couche culotte" n'arrêtait pas de sombrer pour ressurgir à la crête des vagues.

Que va devenir notre nuserie ?

Combien de temps nous fûmes ballottés ainsi, je ne saurai le dire.

La seule chose que j'avais réussi à repérer, c'est que ces vagues immenses nous dirigeaient

dans la bonne direction. Mais où sont donc mes amis dispersés ?

Au petit matin, le calme était revenu sans même que nous nous en soyons rendu compte.

C'est saumonette qui fut contente de retrouver une partie de la bande.

Les eaux étaient peu profondes et nous en profitâmes pour nous reposer et prendre un peu

de la chaleur du soleil.

C'est à ce moment que je reconnu le phare de

la Jument

qui était bien resté à sa bonne place.

En si peu de temps nous avions parcouru presque la moitié de l'océan.

Faisant le tour des grèves d'Ouessant, Molène et Béniguet, nous nous sommes tous retrouvés

Quelle joie et que d'embrassades.

Sans le vouloir, nous avions battu un record de traversée.

Difficile à battre, n'est ce pas, les navigateurs ?

Nous décidâmes de rester plusieurs jours sur place pour nous refaire une santé.

"Couche culotte" ravi que des charpentiers s'occupent de lui, surveillant attentivement sa marmaille

grandissante.

Le grand jour peut arriver, nous sommes prêts et dignes de pénétrer dans ce majestueux goulet

de la rade de Brest.

Nous avions tenu notre pari d'aller jusqu'en Amérique et de revenir.

Maintenant, je peux vous dire :

la mer, c'est fantastique,

la terreur, çà existe mais on peut en réchapper,

la fascination, c'est merveilleux à vivre.

La rade nous attend, mon estuaire, ma famille.

Le bonheur est à l'arrivée.

De les revoir tous, j'ai hâte.

FIN.

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Mer, terreur et fascination.
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